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1959 - Université Libre de Bruxelles

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SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE DU 9 OCTOBRE 1958 37<br />

terre, sont progressivement éliminés, fondus, emportés qu'ils<br />

sont, dans la gran<strong>de</strong> homogénéisation <strong>de</strong> la mentalité <strong>de</strong><br />

l 'homme mo<strong>de</strong>rne.<br />

Arrêtons-nous un instant à la notion du temps.<br />

La notion mo<strong>de</strong>rne du temps<br />

La nôtre appartient au conditionnement psychologique<br />

créé par la société industrielle. Elle est intériorisée en nous<br />

comme une secon<strong>de</strong> nature; en fait, elle est artificielle. La<br />

notion naturelle du temps est celle <strong>de</strong> la vie traditionnelle <strong>de</strong><br />

l'homme-paysan: elle se traduit par l'adaptation spontanée du<br />

rythme <strong>de</strong> la vie et <strong>de</strong>s gestes aux divisions, quotidiennes et<br />

saisonnières, <strong>de</strong> la durée telle que la nature les offre et les<br />

impose. C'est le rythme <strong>de</strong>s « travaux et <strong>de</strong>s jours» selon<br />

Hésio<strong>de</strong>. Ce qu'il faut, c'est que les travaux soient périodiquement<br />

faits et terminés au moment dicté par les pulsations,<br />

récurrentes ou extraordinaires, du milieu naturel, mais non<br />

qu'ils soient effectués dans le plus court délai possible. Il y a<br />

<strong>de</strong>s travaux auxquels le paysan doit s'acharner jusqu'à l'épuisement<br />

<strong>de</strong>s forces pour respecter une échéance naturelle ou<br />

pour éviter une annihilation <strong>de</strong> son travail (par exemple, la<br />

rentrée d'une récolte avant la tempête). Le paysan, selon son<br />

loisir, selon ce qui reste à faire, mettra une <strong>de</strong>mi-heure ou<br />

quatre heures pour charger une charrette <strong>de</strong> foin, car le temps<br />

comme tel n'est pas pour lui une valeur objective, un facteur<br />

<strong>de</strong> production: une heure <strong>de</strong> travail n'a pas <strong>de</strong> tarif. Quand<br />

cette optique à l'égard du temps change, c'est que l'agricul~<br />

ture s'industrialise: il y a <strong>de</strong>s salaires à payer à <strong>de</strong>s ouvriers<br />

et <strong>de</strong>s frais <strong>de</strong> location pour <strong>de</strong>s machines. Le temps, c'est<br />

désormais <strong>de</strong> l'argent. Le temps <strong>de</strong> l'homme <strong>de</strong>s villes a, en<br />

soi, un prix: gagner du temps, attribuer du temps à une<br />

activité, c'est une opération analogue au maniement <strong>de</strong><br />

l'argent. Nous vivons conformément aux échéances multiples,<br />

chaque jour, <strong>de</strong> notre si bien nommé « agenda» et sous la<br />

surveillance froi<strong>de</strong> et impérative d'une montre qui ne nous<br />

quitte pas. Ne pensez-vous pas que cette manière <strong>de</strong> vivre bou~<br />

leverse profondément notre psychologie ~ On dit, au Congo,<br />

que le Noir est paresseux: c'est que voué à la plantation ou<br />

à l'industrie, il y apporte sa notion naturelle du temps et ne

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