1959 - Université Libre de Bruxelles

284 H. F. JANSSENS
Ibn Batoula, à cause de son rihla CS), - en arabe cela
veut dire « voyage» ou « journal d'un voyage », - n'est pas
un inconnu. Il est presque célèbre: « The name of Ibn Batouta,
who was always on the move, has achieved the rare distinction
. of being known to sorne scholars who otherwise resolutely
ignore things oriental (6). ))
Parti de Tanger, sa ville natale, en 1326, afin d'aller en
pèlerin à La Mecque, il fut séduit par le désir de voyager pour
l'agrément et, pendant presque trente ans, de 1325 à 1354, il
ne laissa pas de le faire. Pour se rendre en Arabie, il traversa
toute l'Afrique du Nord, l'Egypte, la Palestine et la Syrie. Son
pèlerinage accompli, il visita la Mésopotamie et la Perse, puis
retourna à La Mecque et y resta de 1328 à 1330. Il s'embarqua
alors et, longeant les côtes de la Somalie, il poussa jusqu'au
Zanguebar. Revenu dans les parages du golfe Persique, il refit
le pèlerinage à La Mecque en 1332 et, ayant repassé par l'Egypte
et la Syrie, il parcourut l'Asie Mineure, contourna la mer Noire
et, par la Crimée et le sud de la Russie, il s'aventura dans
l'empire byzantin jusqu'à sa capitale. Après cela, par le Turkestan,
le Khorassan et l'Afghanistan, il gagna la frontière de
l'Inde. Le 12 décembre 1333 il la franchit et, jusqu'en 1342, il
vécut dans l'Hindoustan. Il résida ensuite un an et demi dans
les îles Maldives. Puis, après avoir fait escal'e à Ceylan, au Bengale
et dans l'Indonésie, il arriva finalement en Chine par la
mer. Sur le chemin du retour, il fit, en 1348, son quatrième
pèlerinage à La Mecque et, en 1349, il se retrouva au Maroc. Il
en repartit presque aU'ssitôt pour l'Espagne. Peu après, il ~e
dirigea vers le sud et, à travers le Sahara et le Soudan, il atteignit
Tombouctou. Au début de 1354, il rentra dans son pays.
II ne le quitta plus et y mourut en 1369.
Ibn Batouta avait tant vu et tant retenu (1), et racontait si
(5) En arabe, rihla est du féminin.
C') G. M. WICKENS, dans Literatures of the East, an Appreciation,
ed. by E. B. CEADEL, Londres, 1953, p. 40.
C) Comment Ibn Batouta a-t-il pu retenir, sans parler du reste,
les milliers de noms propres et de noms étrangers dont son récit fourmille.
On en était réduit à' attribuer l'étendue et la ténacité de sa
mémoire au caractère presque exclusivement mnémonique de l'éducation
médiévale, surtout en Orient, lorsque M. P. WITI'EK nous en a proposé
une autre explication (dans la Revue belge de Philosophie et d'Histoire,
27, 1949, p. 857). Il ne voit rien d'impossible « au fait qu'Ibn Batouta
s'est souvenu des innombrables détails (l'Index des noms constitue tout