1959 - Université Libre de Bruxelles

SIGNIFICATION DE NIETZSCHE POUR NOTRE ÉPOQUE
nazis et les fascistes est en contradiction formelle avec la
révolte (( je veux») de Nietzsche. L'on ne peut assez insister
sur ce point si l'on ne veut méconnaître et trahir la tendance
véritable de sa réflexion. Lui-même se montre quelquefois inférieur
à sa propre pensée et certains aphorismes de « Wille zur
Macht» ou de « Jenseits von Gut und Bose» font penser au
système de castes des Indiens ou de Platon. S'ils traduisaient le
fond de la pensée de Nietzsche, celle-ci ne serait guère originale.
La plupart des interprétations vont dans ce sens; elles lui prêtent
une idolâtrie bourgeoise du héros, comme celle que pratiquent
R. W. Emerson ou Th. Carlyle. C'est tenir pour rien
la doctrine de Nietzsche sur la « volonté» (22) et méconnaître
du coup son anthropologie philosophique aussi bien que sa
morale. La doctrine du consentement à la vie en pâtit singulièrement.
Elle aboutit même à un plat optimisme, trahison complète
des intentions de Nietzs'che. La longue patience (étape du
chameau) et la volonté propre (étape du lion) forment un tout;
cela apparaît dans la pensée de midi (23) issue de l'atroce expérience
du néant, où l'individu se ressaisit et décide de vivre (U).
« Welche werden sich aIs die SUirksten dabei erweisen P Die
MüBigsten, die, welche keine extremen Glaubenssatze notig
haben, die, welche einen guten Teil ZufaIl, Unsinn nicht nur
zugestehen, sondern lieben, die, welche vom Menschen mit
einer bedeutenden ErmaBigung seines Wertes den ken konnen,
ohne dadurch klein und schwach zu werden : die Reichsten an
Gesundheit, die den meisten Malheurs gewachsen sind und
deshalb sich vor den Malheurs nicht so fürchten. - Menschen,
al
(22) C'est par hostilité à l'égard de la conception classique et
scolaire de la volonté que Nietzsche écrira souvent que la volonté n'existe
pas - car elle est négation et négation d'une négation.
(23) Cf. à ce propos O. F. BOLLNOW, Unruhe und Geborgenheit im
Weltbild neuerer Dichter, Stuttgart. Kohlhammer, 1953, pp. 143-177;
Karl SCHLECHTA, NieLzsches grofJer Mittag, Frankfurt a/M, Klostermann,
1954 et Karl LOWITH, Nietzsches Philosophie der ewigen Wiederkehr des
Gleichen, Stuttgart, Kohlhammer, 1956, pp. 59-113 ("Mittag und Ewigkeit"
oder die Wahrsagung der ewigen Wiederkehr).
(24) Wille zur Macht, Werke, XV, 182. « Denken wir diesen Gedanken
in seiner furchtbarsten Form : das Dasein, so wie es ist, ohne
Sinn und Ziel, aber unvermeidlich wiederkehrend, ohne ein Finale ins
Nichts : "die ewige Wiederkehr". Das ist die extremste Form des Nihi­
Iismus : das Nichts (das "Sinnlose") ewig 1 ))