1959 - Université Libre de Bruxelles

LE LIBRE EXAMEN À L'UNIVERSITÉ DE BRUXELLES 251
manquent pas à l'époque. Pour l'enseignement moyen, les
libéraux sont encore plus sûrs d'eux. Le flot menaçant de
l'Eglise, ils n'en doutent pas, s'arrêtera aux portes des grandes
villes dont les libéraux sont les maîtres. Les établissements
d'enseignement moyen organisés par les grandes administrations
communales, dont la bourgeoisie libérale a le contrôle,
sa uront résister contre vents et marées. Mais que se passera-t-il
dans l'enseignement supérieur? Là est le point sensible, là
es t le péril. Ce n'est pas là une affaire communale : la bourgeoisie
libérale, pour l'enseignement supérieur, dépend de
l'Etat. Or qu'arrivera-t-il si l'Etat laisse dépérir son enseignement
et si l'Eglise établit le sien, prospère et envahissant? On
marchera tout droit au monopole de l'Eglise.
Lorsque les libéraux de 1834 raisonnent de la sorte, lorsqu'ils
considèrent la fondation de l'Université de Louvain
comme une menace de mort pour tout enseignement supérieur
non catholique, raisonnent-ils de manière trop absolue, en
prêtant à leurs adversaires des vues plus tranchées qu'elles
ne le sont en réalité P Pas du tout, car si les libéraux avaient
pu lire, comme nous la lisons aujourd'hui, la correspondance
des évêques, ils y auraient trouvé la pleine confirmation de
leurs craintes. En 1833, le bouillant évêque de Liège, Van
Bommel, écrivant à l'archevêque de Malines, maudissait le
rôle joué par les Universités de l'Etat. « Tous les ans, s'écriaitil,
nos universités continuent à vomir sur la surface de la Belgique
catholique une pluie de jeunes gens destinés à avoir
de l'influence sur le pays et ~ur les familles et en qui la foi
est ébranlée, sinon ruinée. u Et Van Bommel de préciser :
« Aussi longtemps qu'il n'y aura pas d'université catholique, ...
la portion la plus intéressante de la jeunesse va se perdre dans
les mauvaises universités que le libéralisme maintient et que
l'on ne peut espérer voir tomber que par l'érection ... d'une
bonne université orthodoxe C) .» Faire « tomber 1) les universités
de l'Etat : voilà donc ce que l'évêque de Liège vise
lorsqu'il envisage la création d'une « bonne université orthodoxe
» - c'est-à-dire la création de ce qui sera l'année suivante
l'Université de Louvain. Et en 1835, l'archevêque de
(1) A. SIMON, Le Cardinal Sterckx et son temps (1792-1867), t. 1 er ,
Wetteren 1950, pp. 262-263; voir aussi, du même auteur, L'Eglise catholique
et les débuts de la Belgique indépendante. Wetteren, 1949, p. 88.