1959 - Université Libre de Bruxelles

250 J. STENGERS
où l'on lit: « L'enseignement officiel ou public à tous les
degrés doit être strictement subordonné à l'insuffisance bien
constatée des établissements libres; il ne peut jamais être
admis à titre de concurrence, et qu'à la condition pour l'Etat
de suspendre son action dès qu'elle devient superflue ... Les
catholiques doivent s'efforcer de rendre l'enseignement de
l'Etat inutile, en faisant de la liberté d'enseignement un usage
qui réponde aux besoins CS). »
En 1834, les formules qu'emploient les catholiques ne sont
pas encore toujours aussi nettes que le seront celles de 1863,
mais chez beaucoup d'entre eux, et des plus influents, l'idée
est déjà celle-là, très nettement. Un des catholiques les plus
remarquables de sa génération, Adolphe Dechamps, dans un
rapport parlementaire de 1835, expose que l'Etat doit se borner
à « suppléer au manque "d'action de la liberté». « Si la tutelle
du gouvernement dans l'enseignement public peut avoir lieu,
écrit-il, ce ne peut être comme un droit absolu et imprescriptible,
mais seulement pour combler le vide que pourrait laisser
la liberté, trop jeune encore pour avoir eu le temps de tout
reconstruire. » Et Dechamps d'exprimer l'espoir que le « progrès
social)) amènera la « diminution successive de l'intervention
de l'Etat dans cet ordre de choses », c'est-à-dire l'espoir
qu'un enseignement officiel devenu progressivement inutile
s'effacera devant les progrès de l'enseignement libre (8).
Les libéraux voyaient dans de telles paroles, évidemment,
de lourdes menaces contre l'enseignement officiel. Mais en
pratique, la menace présentait une gravité différente suivant
les degrés d'enseignement. L'enseignement primaire n'est pas,
pour les familles de la bourgeoisie, vers 1834, un secteur
sensible. Même si les écoles primaires publiques sont menacées,
les familles de la bourgeoisie libérale en souffriront peu, car
la majorité des familles, ou bien recourent encore au système
du préceptorat ou bien envoient leurs enfants dans des établissement
privés, car les établissements privés qui dispensént
un enseignement conçu comme le désirent les libéraux, ne
(5) Assemblée générale des catholiques en Belgique. Première session
à Malines, le 18-22 aollt 1863, t. 1 er , Bruxelles 1864, pp. 470-47l.
(1) Doc. parl., Chamb71e, 1834-1835, nO 134 (Rapport sur le titre III
du projet de loi sur l'instruction publique), pp. 10-11. Cf. aussi E. DE
MOREAU, Adolphe Dechamps, Bruxelles, 1911, pp. 123-124.