1959 - Université Libre de Bruxelles
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120 BIBLIOGRAPHIE<br />
immoralisme <strong>de</strong> facto <strong>de</strong> certains tenants <strong>de</strong> la « historische Bedingtheit<br />
<strong>de</strong>r Moral» (p. 11). .<br />
Citant « Jenseits von Gut und BOse », l'auteur avance alors que<br />
la « morale <strong>de</strong>s seigneurs » que Nietz~che y préconise reflète la philosophie<br />
du capitalisme. Jugement bien superficiel 1 Cette œuvre contient<br />
précisément une critique <strong>de</strong> la morale bourgeoise, elle en dévoile<br />
l'égoïsme, le goût du lucre et <strong>de</strong> la domination. Il n'est pas moins faux<br />
<strong>de</strong> considérer Nietzsche comme le philosophe du capitalisme que d'en<br />
faire quelque chose qui ressemble à un fasciste. L'idée profon<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
Nietzsche était <strong>de</strong> résister à la disparition <strong>de</strong> toute vie personnelle au<br />
milieu <strong>de</strong> la masse. Il développa d'une part un réalisme radical (le<br />
déroulement <strong>de</strong> l'histoire, écrite <strong>de</strong> sang, n'est nullement déterminé par<br />
la morale chrétienne), d'autre part une morale (mais oui 1) <strong>de</strong> la distinction,<br />
une éthique qui convient à <strong>de</strong>s esprits libres. Regrettons que<br />
tout cela ait échappé à Franz Mehring, sinon il eût sans doute compris<br />
ce que la pensée <strong>de</strong> Nietzsche pouvait apporter au mouvement ouvrier,<br />
peut-être l 'histoire du socialisme en Allemagne (et ailleurs) - eût-elle<br />
pris une tournure toute différente. Nietzsche a constaté que toujours<br />
certains dominent et que d'autres sont dominés, que cela fait partie du<br />
« mécanisme» <strong>de</strong> l'histoire humaine. Les sociétés actuelles qui se préten<strong>de</strong>nt<br />
socialistes ont-elles prouvé le contraire ~ (qu"on lise Djilas ...).<br />
A quoi bon démocratiser notre société, si c'est la masse qui doit y dominer,<br />
et non le peuple P L'art soviétique contemporain, l'académisme, et<br />
le conformisme illimités qui règnent en U. R. S. S. : voilà les admirables<br />
résultats d'une telle démocratisation. A ce propos, F. Mehring<br />
cite un passage <strong>de</strong> Nietzsche qu'il n'a vraiment pas compris, et que le<br />
mouvement ouvrier en général a trop souvent perdu <strong>de</strong> vue : « Fant man<br />
nicht das Wohlbefin<strong>de</strong>n <strong>de</strong>s Einzelnen ins Auge, son<strong>de</strong>rn die Ziele <strong>de</strong>r<br />
Menschheit, so fragt es sich sehr, ob in jenen geordneten Zustan<strong>de</strong>n,<br />
welche <strong>de</strong>r Sozialismus for<strong>de</strong>rt, ahnliche grosse Resultate <strong>de</strong>r Menschheit<br />
sich ergeben konnen, wie die ungeordneten ZusUin<strong>de</strong> <strong>de</strong>r Ver gangenheit<br />
sie ergeben haben. Wahrscheinlich wachst <strong>de</strong>r grosse Mensch<br />
und das grosse Werk in <strong>de</strong>r Freiheit <strong>de</strong>r Wildnis auf. An<strong>de</strong>re Ziele aIs<br />
grosse Menschen und grosse Werke hat die Menschheit nicht. » C'était<br />
poser le problème dans toute son acuité. Mehring ne l'a pas saisi, Lukacs<br />
pas davantage, mais lui a fini par l'éprouver à travers <strong>de</strong>s expériences<br />
personnelles pénibles. Mehring ajoute à cela l'erreur <strong>de</strong> confondre le<br />
point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> Nietzsche avec celui <strong>de</strong> Leopold von Treitschke, défenseur<br />
<strong>de</strong> l'Etat. Le texte cité montre précisément la vive opposition <strong>de</strong><br />
Nietzsche au nivellement <strong>de</strong>s individus. Cela exclut certes tout mouvement<br />
<strong>de</strong> masse, quel que soit son but.<br />
Georg Lukacs se pose en défenseur <strong>de</strong> la démocratie contre le précurseur<br />
du fascisme qu'est Nietzsche, Mais qu'entend-il par « démocratie<br />
»? Son attitu<strong>de</strong> montre qu'il la jugeait accomplie en U. R. S. S.<br />
Après la lecture du rapport <strong>de</strong> Khrouchtchev au XX e Congrès, nous ne<br />
sommes pas loin <strong>de</strong> croire que cette « démocratie » ne diffère pas tellement<br />
<strong>de</strong> l'Etat totalitaire hitlérien. Quoi qu'il en soit, c'est ne comprendre<br />
absolument rien à Nietzsche que <strong>de</strong> le considérer comme un<br />
précurseur du fascisme. Demandons-nous d'ailleurs, à la lumière <strong>de</strong><br />
Nietzsche, si ce que nous appelons « démocratie » n'est pas une déchéance<br />
profon<strong>de</strong>, vu que nous confondons <strong>de</strong> plus en plus la démocratie avec<br />
une société basée sur le système <strong>de</strong>s prisons. Pourtant Georg Lukacs, qui<br />
cite à ce propos <strong>de</strong>s textes remarquables, n'ignorait donc nullement que<br />
Nietzsche s'est acharné contre }' « Entpersonlichung <strong>de</strong>s Menschen in <strong>de</strong>r