1959 - Université Libre de Bruxelles

270 J. STENGERS
d'assigner une époque initiale, ou quelque cause dépendante
de la volonté humaine, que sont-elles, si ce n'est des faits providentiels,
par lesquels Dieu nous manifeste ses volontés et
nous ouvre des perspectives nouvelles sur l'avenir eB) p »
Tout cela nous explique pourquoi, pendant assez longtemps,
beaucoup d'hommes, à l'Université, se sont refusés à
établir une opposition entre la foi et la science, une opposition
entre la foi et le libre examen. Van Meenen, pour sa part, considère
au contraire que la science implique la foi, implique la
religion, au sens le plus haut du mot. « L'étude, la recherche
du vrai en toutes choses, n'est-elle pas un acte de foi en la
providence, qui a créé, quj conserve, qui gouverne l'univers;
acte de foi dans l'universalité et la stabilité des lois par lesquelles
Dieu, tout ensemble, gouverne le monde et éclaire
notre esprit; acte de foi en la vérité dans les choses; acte de foi
dans la véracité de nos facultés ... )) (40).
Ces quelques citations nous replongent dans une atmosphère
psychologique qui est évidemment très différente de ce
que sera plus tard l'atmosphère de l'Université de Bruxelles.
Quand s'est opéré le tournantP En gros, dans les années 1860-
1880. C'est alors que s'affirme la conviction, qui va bientôt
devenir générale, qu'entre les principes de l'Université et ceux
du catholicisme, il n 'y a pas de conciliation possible, que le
libre examen est incompatible avec la foi catholique.
Les raisons de cette évolution ne doivent pas être cherchées,
ou du moins pas en ordre principal, du côté de hautes
eaU) L'Université libre de Bruxelles pendant vingt-cinq ans, op. cit.,
p. 182.
(40) Ibid., p. 182. Théodore Verhaegen, de son côté, déclarait avec
force qu'il n'opposait pas la science à la foi, mais seulement à un certain
type de foi : la foi aveugle, sans examen. « Nous n'avons pas dit
que la foi est l'antithèse de la science, ou la science l'antithèse de la
foi; nous avons parlé de cette foi aveugle et inintelligente qui refu~e
l'examen et réclame une soumission absolue, une obéissance passive,
etc.» (discours du 27 novembre 1856; Annales parlementaires,
Chambre, 1856-1857, p. 151; paroles répétées par Verhaegen dans son
discours universitaire de novembre 1859 : L'Université libre de Bruxelles
pendant vingt-cinq ans, op. cit., p. 299). Cette distinction, aux yeux de
Verhaegen, était importante. Comme Dechamps, en 1856, l'accuse
d'avoir (( fait... de l'enseignement supériel)r l'antithèse de la foi », il
l'interrompt pour préciser: « Aveugle; ne séparez pas je vous prie les
deux mots » (Annales parlementaires, Chambre, 1856-1857, p. 127; séance
du 25 novembre 1856).