1959 - Université Libre de Bruxelles
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BIBLIOGRAPHIE 123<br />
<strong>de</strong>s Ausführen» (p. 14). On ne peut donc guère parler d'une doctrine<br />
<strong>de</strong> Nietzsche. A chaque idée une autre idée réplique, sans synthèse pos ...<br />
sible entre leurs tendances opposées. La pensée <strong>de</strong> Nietzsche est éminemment<br />
antithétique. A cela correspond une attitu<strong>de</strong> protestataire (ou<br />
protestante) très personnelle. Nietzsche n'est pas à proprement parler un<br />
sceptique, car il compte fermement discerner quelque vérité, mais il<br />
reste toujours en chemin (p. 15). Après cela, Karl Lowith appelle la philosophie<br />
<strong>de</strong> Nietzsche un système fait d'aphorismes. Allons donc 1 Un<br />
système est impensable chez Nietzsche et même en contradiction avec<br />
sa métho<strong>de</strong> expérimentale, tâtonnante. S'il atteignit « les horizons<br />
ouverts <strong>de</strong> l'interrogation» (p. 17), c'est précisément que sa pensée<br />
n'était pas systématique. Aporistique et problématique, comme e11t dit<br />
N. Hartmann, elle ne cesse <strong>de</strong> réagir. C'est pourquoi l'on risque d'aboutir<br />
à <strong>de</strong>s interprétations très divergentes <strong>de</strong> l'œuvre nietzschéenne, selon<br />
le point <strong>de</strong> vue adopté. Tout en ayant souligné qu'on n'a pas le droit<br />
<strong>de</strong> le classer parmi les précurseurs du nazisme, nous savons trop bien<br />
que nombre <strong>de</strong> ses textes semblent prouver le contraire. Nietzsche écrivait<br />
sans cesse, suivant son inspiration, et il tirait parfois les conséquences<br />
extrêmes d'une idée, sans pour autant admettre ces conséquences<br />
ni même cette idée. Une telle attitu<strong>de</strong> ne saurait être que libre-exaministe,<br />
ce qui exclut toute foi <strong>de</strong> « masse» et tout dogmatisme. Nietzsche<br />
était l'exacte antithèse du penseur dogmatique, scolaire, académique.<br />
Alors, une girouette ~ Ne nous y trompons pas : dans cette pensée, certaines<br />
intentions transparaissent. « Wer gelernt hat, Nietzsche systematisch<br />
zu lesen, wird <strong>de</strong>shalb nicht über <strong>de</strong>n bunten Reichtum seiner<br />
wechseln<strong>de</strong>n Perspektiven erstaunen, son<strong>de</strong>rn über die BesUindigkeit<br />
und sogar EintOnigkeit seines philosophischen Problems» (pp. 25-26). A<br />
cet égard, Lowith estime déterminants ses rapports avec Richard Wagner.<br />
D'abord, disciple du compositeur, il crut au renouvellement <strong>de</strong> la culture<br />
alleman<strong>de</strong>; puis il ne crut plus à rien, pour aboutir enfin à l'amor<br />
JaU et à la doctrine <strong>de</strong> l'éternel retour du semblable. Nous ne croyons<br />
pas à cette interprétation, pourtant fort défendable. Nietzsche l'a souvent<br />
indiquée lu,i-même (voir, outre les textes cités par LOwith, les trois<br />
phases dans le Zarathoustra: le chameau, le lion, l'enfant), mais il lui<br />
a aussi marqué son hostilité. Il maintenait l'unité <strong>de</strong>s trois étapes, qui<br />
parfois évoque la dialectique hégélienne ou Max Stirner mais surtout<br />
Auguste Comte (le chameau: étape théologique; le lion: étape métaphysique;<br />
l'enfant: étape positiviste). Le positivisme a exercé sur<br />
Nietzsche une influence profon<strong>de</strong> (comme sur son parent spirituel<br />
J.-M. Guyau). C'est précisément sa réflexion expérimentale qui le libéra<br />
aussi bien <strong>de</strong> la théologie que <strong>de</strong> la métaphysique. Nietzsche, <strong>de</strong> même<br />
que Marx, c'est la fin <strong>de</strong> la métaphysique occi<strong>de</strong>ntale. Karl Lowith prNe<br />
un caractère métaphysique à ce qu'il appelle la troisième étape du développement<br />
<strong>de</strong> Nietzsche, <strong>de</strong> sorte que celui-ci en serait revenu à son<br />
point <strong>de</strong> départ. « lm amor taU von Nietzsches Lebre vereinigt sich so<br />
die Selbstbejahung <strong>de</strong>s ewig wie<strong>de</strong>rkehren<strong>de</strong>n Seins mit einem ewigen<br />
Ja <strong>de</strong>s eigenen Daseins zum Ganzen <strong>de</strong>s Seins)) (p. 29). Le consentement<br />
à l'être, à l'existence personnelle dans l'ensemble <strong>de</strong> l'être, l'amor<br />
jati et l'éternel retour du semblable: tout cela doit être vu à la lumière<br />
du positivisme <strong>de</strong> Nietzsche. Mais il était poète; aussi donne-t-il <strong>de</strong> son<br />
expérience une expression poétique. Le positivisme a parfois été propice<br />
à une poésie authentique: songeons à J .-M. Guyau et aussi au grand<br />
Rilke, avec son attachement aux choses. La fin <strong>de</strong> la théologie et <strong>de</strong> la<br />
métaphysique, c'était pour Nietzsche la mort <strong>de</strong> Dieu et Lowith a raison