1959 - Université Libre de Bruxelles

LE LIBRE EXAMEN À L'UNIVERSITÉ DE BRUXELLES 211
liques ne peuvent pas admettre. Les paroles qui viennent de
Rome sont souvent des paroles de discipline intellectuelle plus
que de liberté C 2 ). Il ne faut pas voir tout en rose. Mais si nous
faisons le compte des causes qui nous sont chères et dans lesquelles
le catholicisme apparaît comme notre allié bien plus
que comme notre adversaire - je pense à une cause aussi fondamentale,
par exemple, que la question du racisme -, le
compte, il faut le reconnaître honnêtement, le compte est
grand.
Dans la vérité qu'elle donne à croire, dans l'interprétation
qu'elle donne à la révélation, l'Eglise a également modifié ses
vues. Il n'est plus question d'attribuer au récit de la création
une vérité littérale, il n'est plus question de chercher dans la
Bible, sauf sur certains points, des vérités scientifiques qui
devraient s'imposer au savant. Tout cela est révolu. Dans la
nouvelle interprétation qu'elle donne à l'Ecriture, l'Eglise a
réduit à presque rien la zone d'interférence de la science et de
la foi (si l'on entend, cela va de soi, la foi au sens strict, réduite
aux vérités dogmatiques, et la science dans sa signification la
plus étroite, réduite aux domaines où les spécialistes osent parler
de vérités scientifiques).
Face à nous, l'Eglise et le catholicisme sont donc très
différents, à beaucoup d'égards, de ce qu'ils étaient il y a un
siècle. Ne sommes-nous pas un peu des fossiles en demeurant
vis-à-vis d'eux, sur le plan doctrinal, dans la même position
qu'il y a un siècle? Paraissons-nous ignorer qu'il y a aujourd'hui,
pour la liberté de l'esprit, des périls beaucoup plus
graves que ceux qui proviennent de l'Eglise? Ne risquons-!lous
(52) Le pape, dans une allocution prononcée en septembre 1957
devant les membres de la Congrégation générale de la Compagnie de
Jésus, condamne comme inadmissible - parce que relevant de l'esprit
ne « libre examen» - l'attitude de ceux qui croient pouvoir soumettre
les décisions du Saint-Siège à l'examen de leur raison individuelle.
« Que parmi vous n'ait pas place l'orgueil du « libre examen », qui
relève d'une mentalité hétérodoxe plus que catholique, et selon lequel
les individus n 'hésitent pas à peser au poids de leur jugement propre
même les dispositions émanant du Siège apostolique» (Nec locus sit
inter vos cuidam superbiae « liberi examinis », heterodoxae potius quam
catholicae mentis propriae, qua unusquisque ea eliam quae a Sede
Apostolica emanant, ad trutinam proprii iudicii revocare non Telugit)
(Allocution de Pie XII du 10 septembre 1957, pub!. dans l'Osservatore
Romano du 15 septembre 1957; éd. officielle dans les Acta Apostolicae
Sedis, 1957, pp. 806 et suiv.).