1959 - Université Libre de Bruxelles

LE LIBRE EXAMEN À L'UNIVERSITE DE BRUXELLES 269
Il serait tout à fait faux, bien entendu, de généraliser à
partir de ces quelques exemples. Les catholiques, dans le corps
professoral, ne sont que quelques-uns, une très petite minorité.
Mais le seul fait de leur présence est significatif.
Et ce qui est non moins frappant, c'est que cette présence
est quasi officiellement acceptée, reconnue. Dans un discours
rectoral de 1869, Gluge - qui était lui-même non pas catholique,
mais israélite - parle ouvertement des membres du corps
professoral fidèles à l'orthodoxie religieuse. « Chez nous », di t­
il (et ce « chez nous)) est l'Université), « la science est enseignée
librement, toutes les religions vivent paisiblement l'une à
côté de l'autre; le professeur et l'élève le plus orthodoxe peuvent
se rencontrer sans hostilité avec le libre-penseur sur le champ
neutre de la science» CS). .
D'ailleurs - et ceci aussi est caractéristique de cette
période des débuts de l'Université -, même parmi ceux qui ne
pratiquent pas ou qui ne pratiquent plus le catholicisme, le sentiment
religieux, et l'on peut même dire la foi religieuse,
demeurent souvent très vifs. Van Meenen, dans son discours
rectoral de 1844, fait remonter à Dieu les progrès de la science
moderne, et les grandes transformations du monde qui ont été
liées à ces progrès. « Ces transformations, dit-il, qu'on ne
remarque, qu'on ne découvre que quand déjà leur pleine consommation
est proche ou actuelle, et auxquelles il est impossible
Des élèves de Arntz, à la Faculté de Droit, réagirent. Ils remirent au
vieux maUre une adresse s'élevant contre les attaques dont il avait été
l'objet. Arntz répondit: (( C'est par votre adresse que j'ai connaissance
de ces faits étranges. Quand on a enseigné, comme moi, pendant quarante-cinq
ans dans la plénitude de son indépendance, quand personne
ne peut dire que nulle politique, nulle coterie n'a jamais eu d'influence
sur mon enseignement, de semblables manifestations me sont indifférentes.
Je reste ce que j'ai toujours été dans le domaine de la science:
j'examine, je recherche la vérité, d'une manière impartiale, et je l'enseigne
telle que je l'ai trouvée ... » (Journal de Bruxelles, 30 novembre
1883; la fidélité de cette relation a été attestée par Arntz lui-même:
cf. la notice de A. RIVIER, op. cit., p. 411 et n. 1; cf. aussi l'article de
Léon Furnémont dans Le National Belge du 2 décembre 1883). Petite
histoire de l'Université, qui semble évoquer des temps bien anciens, et
où apparaît cependant un nom proche de nous : le jeune étudiant en
droit qui lut à Arntz l'adresse de ses élèves s'appelait Paul Hymans.
(38) Université libre de Bruxelles. Année académique 1869-1870.
Discours d'ouverture prononcés... le 11 octobre 1869 par MM. Van
Schoor ... , J.-B. Francqui ... et G. Gluge, Bruxelles, 1869, p. 20. Sur Gluge,
voir la notice de C. VANLAIR dans l'Annuaire de l'Académie, année 1900.