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1959 - Université Libre de Bruxelles

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62 E. NOULET<br />

lui en faire gloire, tenant son impuissance particulière pour<br />

l'impuissance même <strong>de</strong> l'hommep<br />

De la disproportion qui paraît si éloquente entre l'esquisse<br />

du Livre et ces nombreuses inventions scéniques, n'y aurait-il<br />

donc pas une autre explication P<br />

Dans l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> M. J. Schérer, un <strong>de</strong>s chapitres les plus<br />

significatifs (il est en tout cas fondamental) s'intitule: Le<br />

Livre implique le Théâtre. Il est, en effet, hors <strong>de</strong> doule que<br />

Mallarmé a longtemps songé à un théâtre pur ou, si l'on veut,<br />

et dans le sens mo<strong>de</strong>rne, au théâtre abstrait, indépendant <strong>de</strong><br />

toute action réelle et dont l'intensité et la <strong>de</strong>nsité sont toutes<br />

symboliques et significatives C").<br />

Ilappelons seulement, parmi les nombreux textes qui y<br />

font allusion, les pages extraordinaires parues à Londres dans<br />

le National Observer en 1892 sous le titre De Même auxquelles<br />

ont fait suite, en 1895, dans La Revue Blanche celles qui s'intitulent<br />

Catholicisme dont nous extrayons cette phrase explicite:<br />

Notre communion ou part d'un à tous et <strong>de</strong> tous tt un;<br />

ainsi, soustraite au mets barbare que désigne le sacrement -<br />

en la consécration <strong>de</strong> l'hostie, néanmoins, s'affirme, prototype<br />

<strong>de</strong> cérémonials, malgré la différence avec une tradition d'art,<br />

la Messe.<br />

(") La notion d'une foule heureuse « gardienne du mystère»,<br />

d'une communion dans le « plaisir sacré», d'un rassemblement en vue<br />

d'une réjouissance spirituelle, est très ancienne chez Mallarmé; il la traduisait<br />

par un mot auquel l'inflexion <strong>de</strong> la voix, à la fois intime et rayonnante,<br />

donnait un frémi,ssement solennel, c'était le mot jéte; c'était un<br />

mot <strong>de</strong> sa jeunesse. Peu à peu, à l'idée d'une fête déroulée, déployée,<br />

s'est peut-être substituée. dans son esprit, celle d'une'manifestation plus<br />

rapi<strong>de</strong>, faite <strong>de</strong> rappels et <strong>de</strong> signes, celle d'une fête en raccourci évocalrice<br />

et conventionnelle sans que, pour autant, le sens du mystère et du,<br />

s.acré soit perdu. D'essence religieuse, la fête ou plus tard le théâtre,<br />

ressortissait à une religion que Mallarmé concevait, délibérément lavée<br />

<strong>de</strong> toute tristesse, pour laquelle., non', la souffrance, mais la jole est le<br />

chernju -du ciel, non le sentiment, mais l'enten<strong>de</strong>ment, le pôle d'attraction<br />

comme l'a bien vu M. Guy ~fichaud (Mallarmé, L'homme,'et<br />

l'œuvre, ~ p. 150): cc Cette. réjouissance reste intellectuelle. Emotion d '~ne<br />

idée, elle consiste à embrasser la structure <strong>de</strong> l'univers spirituel et ~ en<br />

pénétrer' le mystère, lequel n'est nullement irréductible, mais' nous<br />

apparaît tel parce qu'il n'est accessible que par certains moyens. Il Cette<br />

religion nouvelle, Mallarmé en souhaitait et même en prédisait expre~ ..,<br />

sément l'avènement ,dans la conclusion <strong>de</strong> La Musiq.ue et les I"ettres :<br />

« Si, dans l'avenir, en France, ressurgit, une religion, ce sera l'amplification<br />

à mille joies <strong>de</strong> l'instinct <strong>de</strong> ciel e~ shacun_ Il

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