1959 - Université Libre de Bruxelles

130 BIBLIOGRAPHIE
trer chez Sophocle tout autre chose que la perfection de la forme et
l'excellence de la technique dramatique. Opstelten, Nebel, Egermann,
Lesky, Weinstock parmi d'autres ont fait voir combien la pensée la plus
riche et la plus profonde est liée chez Sophocle à la science du drame.
Méautis suit cette nouvelle et féconde tendance avec un succès incontestable.
En effet, jusqu'ici, la tragédie des Trachiniennes continuait à
engendrer une certaine perplexité chez les commentateurs. Méautis reconnaît
le caractère exceptionnel de ce drame, qui n'est autre que le drame
de l 'homme et de la femme pFésentés avec leurs traits spécifiquement
masculins et féminins. N'aurait-il exprimé que cette opinion, son livre
eût déjà mérité l'attention des spécialistes de la tragédie grecque. Mais
il y a beaucoup plus dans le Sophocle de Méautis, et en tout cas assez
pour le recommander à ce qu'on appelle curieusement le « grand » public
cultivé.
Emile J ANSSENS.
G. S. KIRK and J. E. RAVEN, The Presocratic Philosophers, a Critical
History with a Selection of Texts, Cambridge, University Press, 1957,
1 vol. gr. in-8°, 478 pages, rel. pl. toile, 55 sh.
Voici un livre destiné à une importante carrière. En effet, il comble
enfin une lacune dans la série - déjà longue - d'ouvrages consacrés à
cette fascinante aventure de l'esprit qu'est la pensée présocratique.
Depuis les Fragmente der Vorsokratiker de Diels, il y eut de nombreuses
études de détail et d'ensemble, mais jamais on ne vit un livre répondant
aussi heureusement aux exigences de « l'honnête homme» comme à
celles du chercheur spécialisé. Celui-ci y trouvera l'ouvrage de référence
immédiate, équipé des textes originaux accompagnés des indications de
sources ainsi que d'index nourris (passages et matières). Le lecteur
moins informé découvrira dans les traductions et les commentaires une
introduction à la fois sûre et prudente à cette pensée tour à tour ingénieuse
et naïve, 'profonde et sommaire, inquiète et audacieuse, tranchante
et ambiguë, pleine de subtilités et d'ingénuités.
Plus maniable et plus aéré que Diels, plus complet que Capelle, on
ne peut pas dire cependant que le Kirk-Raven se situe à mi-chemin
entre ces deux recueils. Il apporte en effet un commentaire critique
qu'on ne trouvera point chez Diels, et les textes qu'il a rejetés au cours
de sa sélection -.:. remarquablement dosée - n'ont qu'un intérêt très
particulier, voire même limité. On peut donc affirmer qu'en l'absence
des gros volumes des Fragmente der Vorsokratiker, le Kirk-Raven constitue
un instrument de travail de premier ordre. Il l'emporte bien
davantage sur les Vorsokratiker de Capelle qui ne présente pas les textes
grecs, ne donne qu'un commentaire général en tête de chapitre, omet
très souvent les citations de sources et ne possède pas d'index. C'est sans
doute pour ces raisons que les auteurs ne l'ont pas inclus (à tort, selon
nous) dans leur bibliographie.
Après un bref examen des sources, les auteurs ont consacré un premier
chapitre aux précurseurs de la cosmologie philosophique où Homère,
Hésiode, les lyriques et l'orphisme mènent assez rapidement à Phérécyde
de Syros qui joue ici - à juste titre - les premiers rÔles. Nous regretterons
seulement que, selon la tradition, les auteurs n'aient pas jugé
bon de consacrer un chapitre aux précurseurs des autres aspects de la