1959 - Université Libre de Bruxelles

254 J. STENGERS
catholique tout ce qui vient du Siège apostolique, et répudierait
tout ce que le Siège apostolique combat)) (id catholicUlfl
credere et suscipere quod a Sede Apostolica proficiscitur, quod
contra est toto animo respuere) (11). Or en 1834, lorsque l'on
parle des doctrines romaines, ce à quoi les libéraux songent
avant tout, c'est à ce qu'ils nomnlent, avec une fureur contenue,
« l'Encyclique». Théodore Verhaegen, qui est mort
en 1862, n'a pas connu le Syllabus, qui lui aurait donné un
coup de sang. Mais pendant trente ans, il a tremblé d'indignation
à l'évocation de « l'Encyclique». L'Encyclique,
c'était le Mirari Vos de 1832, c'était le texte dans lequel le
pape qualifiait la liberté de conscience de « délire)), parlait
de la liberté de la presse comme d'une « liberté exécrable,
pour laquelle on n'aura jamais assez d'horreur)) et faisait
l'apologie des bftchers dans lesquels l'Eglise jetait autrefois
les livres « suspects et dangereux ». Voilà ce que proclamait le
Saint-Siège, et c'est aux enseignements du Saint-Siège que
Louvain jurait fidélité (*).
Défi à la liberté, défi à la science aussi. Une science
asservie à l'Eglise ne peut signifier qu'un retour à l'obscurantisme.
Cette idée, chez certains Belges qui sont assez âgés
pour avoir connu la fin de l'Ancien Régime, se colore de
souvenirs bien précis. Ils se souviennent de l'ancienne Université
de Louvain, qui avait eu certes ses heures glorieuses
mais qui, au XVIIIe siècle, avait sombré dans une affreuse
médiocrité. Le Louvain du XVIue siècle avait été à la fois une
Université étroite d'esprit, confinée dans la routine, sans
aucune ouverture sur la pensée moderne, mais aussi un établis-
(11) Oralio quam die IV mensis Novembris anni MDCCCXXXIV ...
habuit P. F. X. de Ram, Louvain, 1834, pp. 18-19; discours reproduit
également dans le Journal historique et littéraire, t. 1 er , p. 517. Ces
paroles, j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, sont généralement citées
dans une traduction fort libre, qui fait dire à Mgr de Ram que l'Université
luttera « pour faire accueillir toute doctrine émanant du Saint­
Siège apostolique, pour faire répudier tout ce qui ne découlerait pas de
cette source auguste)) (cf. J. STENGERS, D'une définition du libre examen,
dans la Revue de l'Université de Bruxelles, octobre-décembre 1955,
p. 56, n. 26). On est bien obligé de rappeler cette traduction fort peu
fidèle, car c'est elle qui est la plus connue.
(*) Van Meenen est sur ce point le meilleur interprète des sentiments
des libéraux. Nous reproduisons ci-contre en fac-similé un fragment
de son discours de 1844 prononcé lors de l'anniversaire décennal
de l'Université.