1959 - Université Libre de Bruxelles

402 BIBLIOGRAPHIE
classé les renseignements éparpillés. Les fonctionnaires de l'Administration
des Affaires électorales avaient constitué, et grâces leur en soient
rendues, un essai donnant les résultats par canton et par parti mais,
les moyens matériels faisant défaut sans doute, les statistiques étaient
peu maniables et parsemées d'ereurs de frappe et de calcul. L'outil a
été remodelé, rendu efficient et mis à la disposition de tous les électeurs.
Mais les auteurs (et l'éditeur à qui il faut rendre hommage d'avoir
supporté une telle charge financière) ont été plus loin et ont accumulé
les tableaux statistiques pour parachever l'ouvrage de cartes remarquables.
Tous ces éléments ont, selon l'expression de M. Stengers, constitué
un laboratoire de science politique où il ne restait plus qu'à se
mettre à l'ouvrage.
Il ne suffit pourtant pas d'un beau laboratoire et d'enthousiastes
laborants pour parvenir à des résultats sensationnels.
Faute d'avoir utilisé des produits assez purs ou scientifiquement
dosés, MM. De Smet, Evalenko et Fraeys ont souvent obtenu des résultats
contestables.
M. Stengers, Professeur à l'Université de Bruxelles, a remarquablement
exposé ses critiques aux conclusions des auteurs (Revue de
l'Université de Bruxelles, janvier-mars 1958). Il ne peut être question
de résumer l'excellente étude de M. Stengers mais il faut bien constater
avec lui que les auteurs ont parfois comparé des données incomparables
(élections législa li ves et élections prud 'homales) ou utilisé des instruments
de mesure imprécis (carte de la pratique dominicale).
Loin de nous la pensée que l'on ne puisse jamais comparer des
élections législatives, communales, prud'homales ou de conseils d'entreprises
pour en tirer quelques conclusions intéressantes. Il est même
possible d'étudier les résultats électoraux en fonction des pratiques religieuses,
de la qualité de l'habitat, du marché du travail, des circonstances
internationales, etc. Mais avant tout essai de comparaison il
faudra soigneusement contrôler les instruments de mesure et écarter
toutes les données de nature à fausser la comparaison.
Les auteurs ont d'ailleurs dù hésiter plus d'une fois avant d'entamer
une expérience. Des notions qui semblent admises par tous sont en
réalité des plus imprécises, la « gauche» et la « droite» par exemple.
MM. De Smet, Evalenko et Fraeys ont pris la précaution de définir la
gauche comme l'ensemble des partis communiste, socialiste et libéral
ainsi que leurs dissidences, la droite étant constituée par les partis
catholique, nationaliste-flamand et rexiste. On constate combien ces
définitions sont artificielles. Si l'on veut les utiliser pour une comparaison
avec les élections communales on se heurtera à des difficultés
insurmontables: dans une commune, seuls les libéraux et les démocrates-chrétiens
sont aux prises, où est la droite? Du côté démocratechrétien
selon les auteurs, du côté libéral selon la conception la plus
communément admise.
Il n'en reste pas moins que, ces réserves faites, l'ouvrage édité par
l'Institut de Sociologie Solvay est un ouvrage de base devant trouver sa
place dans toute bibliothèque sérieuse. Même si quelques-unes des hypothèses
qu'il contient ne reposent pas sur des données solides, le mérite
de l'ensemble n'en est pas atteint.
J. T.