1959 - Université Libre de Bruxelles

126 BIBLIOGRAPHIE
modern en Zeit Il (p. 537). Pour nous laisser convaincre par W. Nigg,
il nous faudrait plus que de la patience et de la bonne volonté.
6. HUBBARD, Stanley, Nietzsche und Emerson, Basel, Verlag für Recht
und Gesellschaft, 1958, 8°, 195 pages. Francs suisses: 22,40.
Des études comme celle-ci contribuent bien plus à la connaissance
de Nietzsche que de très vastes synthèses. Hubbard évoque la rencontre
de deux esprits: Emerson et Nietzsche. D'après l'auteur (qui n'est pas
seul de son avis, K. Lowith l'a noté lui aussi), les « wegweisende Themen.
die Nietzsches philosophieren auszeichnen Il (p. 31) apparaissent dès sa
jeunesse, « und zwar auf Anregung Emersons Il (p. 31). Emerson aurait
moins agi sur Nietzsche en lui offrant une doctrine qu'en le portant à
chercher sa propre voie. Stanley Hubbard découvre quatre thèmes
(p. 32):
1. L'individu (le « surhomme Il) dans l'innocence dy. de,enir.
2. Le philosophe prophète à qui sa mission législatrice donne une
importance historique révolutionnaire.
3. Une tendance vers « urtümlichem Wissen und nach der Wahrheit,
die zum BIut wird, einmagaziniert in der Grossen Folge der Generationen
Il.
4. L'amour du fatum.
D'accord pour le premier thème. Nietzsche ne cessait en effet de
s'intéresser à l'individu exceptionnel, ce que Hubbard ne fait pas assez
ressortir. Quant au deuxième thème, Nietzsche tenait certes du réformateur,
mais le terme de c( prophète Il lui sied mal, et plus encore celui de
philosophe prophète)). Nietzsche voulait en premier lieu éduquer la
jeunesse et son œuvre s'adresse précisément à elle. Que sous l'influence
de Platon et dans le même sens que lui, il parle souvent du philosophe
législateur, cela ne peut nous faire oublier ses intentions essentiellement
pédagogiques.
En ce qui concerne le fatum, la remarque de l'auteur nous semble
juste dans l'ensemble, mais ici également la prudence s'impose.
Nietzsche veut envisager sub aeternitatis ~pecie les événements historiques
aussi bien que sa propre vie. Un tel point de vue mène à l'idée
que tous les événements passés étaient nécessaires tels qu'ils se sont
produits. Où reste alors la liberté, c'est-à-dire le pouvoir de déterminer
soi-même sa propre vie et l'histoire? Problème de nature existentielle,
avec lequel Nietzsche s'est débattu sa vie durant. Au fond, cela revient
au problème de Hegel: le rapport de l'universel au particulier ou au
concret, et inversement (qu'est-ce qui importe davantage: l'humanité,
le peuple, la famille ou l'individu?) Si l'on accepte l'universel, on
consent aussi à un fatum qui surplombe la vie propre. - Problématique
que Kant avait déjà posée, quoique avec moins de rigueur que Hegel.
Ralph Waldo Emerson (1803-1882) l'a connue, et c'est par là que son
influence sur Nietzsche fut déterminante. Hubbard s'est trop tenu à certaines
affirmations et expressions, sans pénétrer, ni au fond de la problématique
nietzschéenne, ni au fond de celle d'Emerson, qui était un individualiste
«( Henceforth, please God, for ever 1 forego the yoke of men's
opinions. 1 will be light-hearted as a bird, and live with God» (cité
d'après Joseph L. Blau, Philosophie und Philosophen Amerikas, Meisenheim,
Glan, A. Hain, 1957, p. 143). Assurément digne d'intérêt, le chapitre
consacré à Emerson (pp. 33-64) a le tort de négliger l'individualisme