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1959 - Université Libre de Bruxelles

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BIBLIOGRAPHIE 125<br />

Geisteskrankheit zu <strong>de</strong>uten vermochten» (p. 439). Théorie guère origi~<br />

nale car <strong>de</strong>puis le moyen âge chacun sait, n'est-ce pas, qu'un fou n'est<br />

nullement mala<strong>de</strong> mais bien possédé <strong>de</strong> puissances diaboliques. Voilà<br />

ce qu'on écrit sans vergogne pour faire <strong>de</strong> Nietzsche un penseur prophétique<br />

(quel titre présomptueux 1). L'entreprise <strong>de</strong> l'auteur a-t-elle réussi?<br />

Après ces échantillons, qui donc en doutera ... L'auteur veut considérer<br />

Nietzsche en <strong>de</strong>hors du temps, sub specie aeternitatis, (( um zu seinem<br />

zeitlosen Antlitz vorzudringen» (p. 440). Il ne se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> même pas<br />

si c'est possible et s'il en est capable, ni même <strong>de</strong> quel droit il l'entreprend.<br />

Il suffit qu'il juge la chose souhaitable pour qu'elle soit possible<br />

et ainsi 'V. Nigg prend ses désirs pour <strong>de</strong> la réalité. Qu'il le fasse dans lm<br />

style admirable, on n'en peut pas douter, mais nous ne doutons pas<br />

davantage que le Nietzsche <strong>de</strong> W. Nigg n'a rien <strong>de</strong> commun avec le<br />

Nietzsche qui s'exprime à travers son œuvre. (( Nietzsche war eine religiOse<br />

Natur, die in einer unreIigiOsen Zeit nicht mehr <strong>de</strong>n ihr entsprechen<strong>de</strong>n<br />

Ausdruck fin<strong>de</strong>n konnte» (p. 441). Bien d'autres répan<strong>de</strong>nt<br />

cette légen<strong>de</strong>; on aurait tant <strong>de</strong> plaisir à annexer Nietzsche et à tenir son<br />

athéisme pour nul et non avenu. Jadis certains spirites réussissaient<br />

même à communiquer avec l'âme <strong>de</strong> Nietzsche; ils vous lisaient une lettre<br />

qu'il avait dictée et d'où il apparaissait qu'il avait répudié son athéisme;<br />

<strong>de</strong> la part d'une âme, on ne pouvait d'ailleurs s'attendre à mieux ...<br />

Pour sa part, W. Nigg a canonisé Nietzsche (pp. 442-443).<br />

Pourtant, certaines pages <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong> se prêtent mieux à une<br />

discussion sérieuse, entre autres quand il s'agit <strong>de</strong> la critique politique<br />

<strong>de</strong> Nietzsche (p. 504), bien que l'auteur s'y montre fort naif. Il note<br />

que Nietzsche n'aimait ni le libér~lisme ni le socialisme, ce qu'il ne<br />

manque naturellement pas d'approuver. Mais Nietzsche était-il conser~<br />

vateur, précurseur du nazisme, du fascisme? Pas une ligne là-<strong>de</strong>ssus.<br />

Notre auteur ayant fait <strong>de</strong> Nietzsche un penseur prophétique, une nature<br />

religieuse, un saint, le voilà incapable <strong>de</strong> suivre <strong>de</strong> sang-froid l'analyse<br />

nietzschéenne du nihilisme; auss1 retombe-t-il dans un langage apocalyptique,<br />

où il est question <strong>de</strong> langues <strong>de</strong> feu (il est d'ailleurs facile <strong>de</strong><br />

citer à ce propos <strong>de</strong>s fragments <strong>de</strong> Nietzsche lui-même). Le problème<br />

<strong>de</strong> Dieu chez Nietzsche se perd donc dans le lyrisme puisque (( ein er~<br />

greifen<strong>de</strong>s Ringen mit Gott zieht sich durch das ganze Leben Nietzsches »<br />

(p. 508). Néanmoins, après tout ce qu'il a écrit, l'auteur ne nie point<br />

l'athéisme <strong>de</strong> Nietzsche. (( Damit solI Nietzsches Atheismus in keiner<br />

Weise abgeschw1icht wer<strong>de</strong>n» (p. 515). C'est à y perdre la tête.<br />

W. Nigg- admet-il quelque chose comme un saint athée, ou un croyant<br />

sans Dieu? Bien <strong>de</strong>s idées <strong>de</strong> W. Nigg ont du moins cet avantage <strong>de</strong><br />

nous faire entrevoir ce qu'est la foi d'un homme du moyen âge; sans<br />

broncher il nous déclare que (( Nietzsches Gottlosigkeit ist wie aIle<br />

bewufite Gottesverneinung von d1imonischer Lei<strong>de</strong>nschaft» (p. 515). On<br />

ne peut assez apprécier la saveur <strong>de</strong> cette affirmation. Un athée n'est<br />

donc autre qu'un démon ou encore un homme possédé du démon; nous<br />

avions vu plus haut qu'un tel homme était un fou, si toutefois il y avait<br />

encore en lui quelque chose d 'humain. Nous finirons par comprendre.<br />

Etre athée, possédé du némon ou fou, c'est du pareil au même ... Est-il<br />

encore besoin <strong>de</strong> souligner les conséquences politiques et sociales <strong>de</strong> tout<br />

ceci? Nietzsche a d'ailleurs succombé à la folie. Les insinuations <strong>de</strong><br />

W. Nigg, on le voit, sont d'une finesse incomparable. (( Der Ausbruch<br />

von Nietzsches Wahnsinn entsprach einer inneren Notwendigkeit. .. »<br />

(p. 537). Peu importe son œuvre. Nietzsche est un symbole. (( Sein Sturz<br />

in die Nacht ist das Symbol <strong>de</strong>s unerfüllten religiosen Schicksals <strong>de</strong>r

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