Noi culturi, noi antropologii - Humanitas

Outre le contraste avec la ville et le sens qu’il y a d’habiter
la campagne, la propriété et la connaissance de la chaire
vont de paire. Un plaisir ne résulte pas de la mort de l’animal,
contrairement au fait de manger sa viande, qui est une
part de son éleveur par l’intermédiaire de l’attention qu’il
porte à son bétail. Le mangeur incorpore les propriétés de
la nourriture: symétriquement, on peut dire que l’absorption
d’une nourriture incorpore le mangeur dans un système
culinaire. (…) A un système culinaire correspond une vision
du monde, une cosmogonie (Fischler, 2001, p. 69). Vivre
en campagne, c’est s’opposer à l’élimination des multiples
significations symboliques, sociales, spirituelles donnant un
sens spécifiquement humain à la nourriture, sa provenance
et sa consommation, que l’adoption de produits phytosanitaires,
une chaîne de production et de conservation alimentaire
industrialisée, les réglementations européennes
modifient.
Tout ce qui se rapporte au consommable et issu de la
gospodărie, le lait, la viande et le chou les plus „banals“ ne
le sont jamais. Ils sont chargés de significations. Pour l’héritier
du gospodar, la bête n’est pas seulement abattue pour
être mangée. Elle est au cœur d’un rituel même minime
qui entoure sa préparation. Dans les gospodării banataises,
toute la production issue de la gospodărie se charge d’un
sens social et identitaire. Une histoire est partagée avec
l’animal lors de sa croissance, de son exécution mais aussi
de la préparation de sa chaire. Si le sort des animaux
de la basse-cour est scellé depuis le jour de leur naissance
ou de leur achat, s’ils sont élevés pour être producteurs et
produits, ils n’en font pas moins partie du foyer, étant une
source d’épargne mais aussi de soins à prodiguer rythmant
le quotidien. Se soucier d’un animal, c’est se soucier de sa
production, que ce soit dans une gospodărie ou une grande
exploitation. Pourtant les propos et gestes qui entourent le
soin d’une vache indiquent l’existence d’autre chose qui a a
voir avec le fait „d’être gospodar“.
L’anonymat de l’exploitation d’unités de production et de
leur mort cachée et massive affronte une relation homme
– animal dont la mort visible, singulière est elle-même
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