Noi culturi, noi antropologii - Humanitas

de modèles alternatifs à ceux de l’Etat-nation, y ont volé en
éclat 364 .
Identité locale: Clit et Dealul Ederii
Tournons-nous à nouveau vers notre terrain et tâchons
maintenant d’en éclairer les observations par les informations
concernant les événements historiques qui ont fourni
la toile de fond sur laquelle s’est élaboré le paysage social
actuel.
On peut se demander comment, dans le cas de ces deux
localités de Clit et Dealul Ederii, les populations ukrainiennes
(ruthènes) et allemandes [şvabi ou nemţi] qui s’y sont établies,
ont construit leur lien à la terre et aux hommes qui
furent ou sont leurs voisins.
S’inscrivant dans le paysage de la „nation roumaine“
comme une véritable exception, par rapport au stéréotype
exprimé dans les multiples „Eloges du village roumain“ 365 ,
l’une des caractéristiques des deux localités étudiées,
semble bien être l’absence de populations susceptibles de
revendiquer la qualité de băştinaş, ce qui va de paire avec
une absence de sentiment d’appartenance à une patrie, une
„nation“ au sens moderne.
C’est aussi ce qui peut expliquer le peu de mémoire ou
d’intérêt pour ces prétendus héros morts pour on ne sait
quelle patrie. En effet, dans un tel contexte, les populations
allemandes et ukrainiennes n’avaient guère de raison
de célébrer ceux qui s’étaient „sacrifiés“ à la cause de la
„Grande Roumanie“, dont on a vu, par ailleurs, le discours
nationaliste et les prises de position développés dans l’immédiat
après-guerre, face à ses populations „immigrées“. A
Clit, ces „héros“ ne sont donc les héros de personne 366 . Le
364. Voir entre autres, le Traité des nationalités de Van Gennep écrit
au lendemain de ces accords.
365. L’un des thèmes favoris des idéologues de l’Entre-deux-guerres
en Roumanie. Tous idéalisent le „ village roumain“ comme „matrice culturelle“
(de la revue Gândirea et Criterion à Blaga. Voir Hitchins, op.
cit.)
366. C’est aussi ce qui expliquerait le fait (s’il est avéré) que le seul
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