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Université Paul Verlaine-Metz U.F.R Sciences Humaines et Arts ...

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La deuxième dimension était représentée par l’expérience de la marginalité ; c<strong>et</strong>te expérience<br />

était vécue par nos informatrices comme celle de la stigmatisation. Elles se sentaient<br />

différentes, leurs pressentiments étaient confirmés de manière violente par leurs proches à<br />

travers des propos tels que : « tu es une sorcière ! ». Ce vocabulaire étant proféré, cela ne nous<br />

étonnera pas !, par des hommes, souvent leurs pères. La figure de la femme maléfique se<br />

dévoile à nouveau, dans des contrées qui nous sont beaucoup plus familières que celles des<br />

terres nord-africaines. Souvent, sur ces dernières terres, c’est à force d’entendre de telles<br />

sentences que les femmes en viennent à se libérer de c<strong>et</strong>te tension dans les marabouts, au<br />

risque de sombrer dans la possession.<br />

Rien de tel chez les voyantes lorraines, hormis peut-être lorsque la crise de l’élection semble<br />

franchir les mers <strong>et</strong> faire d’une personne comme Samantha une marabout <strong>et</strong> une possédée en<br />

puissance. Car c<strong>et</strong> état de marge ne manque pas de laisser nos informatrices dans un état de<br />

perturbation <strong>et</strong> d’ambivalence, tel l’al-libsu <strong>et</strong> l’al-’iltibās qui désignent à Bir El Haffey l’état<br />

d’une personne qui se sent « confuse », « ambiguë », comme enveloppée par un corps qui lui<br />

est étranger. Elle se « sent » unie à l’invisible. Ces perturbations <strong>et</strong> ces ambivalences sont le<br />

contre-don de ces femmes.<br />

Outre le fait que la sensibilité soit développée après avoir surmonté les épreuves, la<br />

possession peut parfois être un prix à payer qui peut s’étaler sur une grande période, voire<br />

toute la vie de nos informateurs. C<strong>et</strong>te possession n’émane pas tout à fait de la surnature – qui<br />

dota généreusement tous nos informateurs, qu’ils soient lorrains ou tunisiens – mais de leur<br />

communauté, surnature beaucoup moins visible que les invisibles eux-mêmes. Nous aurons<br />

l’occasion d’observer, par la suite, que Rabah est – malgré tout – parfois emprisonné par sa<br />

communauté, comme nos voyantes lorraines qui n’arrivent pas à faire face aux sollicitations<br />

de leurs clients. Tous ont en commun la caractéristique d’avoir fait l’obj<strong>et</strong> d’un sacrifice<br />

orchestré de mains de maîtres par la communauté des visibles. C<strong>et</strong> état de perturbation <strong>et</strong><br />

d’ambivalence ressenti par rapport à leur don constitue donc la troisième dimension de la<br />

« souffrance initiatique ».<br />

également de c<strong>et</strong>te dimension du don comme lutte pour la vie en précisant que c<strong>et</strong>te lutte est au fondement du<br />

drame des mondes magiques. (Ernesto de Martino [1999], Le monde magique. Paris : Sanofi-Synthélabo.)<br />

Ernesto de Martino décrit notamment la lutte au monde de l’être gu<strong>et</strong>té <strong>et</strong> menacé <strong>et</strong> du rachat qui s’ensuit. Or<br />

c<strong>et</strong>te idée contient en elle l’idée de mort à un certain degré car elle ne s’est pas produite <strong>et</strong> de renaissance. La<br />

mort <strong>et</strong> la renaissance donnent une consistance à c<strong>et</strong>te expérience magico-religieuse.<br />

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