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Télécharger la thèse doctorale - FGF

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Juana : Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que chaque chose à un cœur, un tanim. Les anciensdisent que même <strong>la</strong> nature à son cœur.L’utilisation du « je » et <strong>la</strong> formu<strong>la</strong>tion d’une interprétation personnelle sont d’un usage peucourant sur le terrain d’étude 240 . Ce jeu narratif est chargé d’ambiguïté. Par l’utilisation desformes lexicales de narration à <strong>la</strong> troisième personne du singulier ou du pluriel, le narrateur sedégage d’une prise en charge du discours émis 241 .Toutefois, alors que les aînés sont garants des anciens systèmes symboliques qui expliquent lemonde et ses événements, leurs paroles ne semblent plus faire autorité. Elles possèdentaujourd’hui un statut complexe qui oscille entre expressions de vérités et discours obsolètes.Pour les jeunes, ce déca<strong>la</strong>ge avec leurs aînés n’est pas vécu sans tension. Certes, ils valorisentles savoirs des aînés en répétant sans cesse « Asi dicen los ancianos… », « C’est comme ce<strong>la</strong>que le disent les aînés… ». Cette formule dote les dires des aînés de vérité car ils portent <strong>la</strong>légitimité et <strong>la</strong> sagesse associées sans conteste à l’ancienneté. Un interdit subsiste et prohibe<strong>la</strong> remise en question des paroles énoncées par les personnes d’un âge respectable. Cependant,les jeunes générations « ne font plus cas », voire se moquent de ce que pensent ou disent lesaînés. Par l’instauration du doute dans le système symbolique coutumier, le lienintergénérationnel, construit traditionnellement sur une autorité asymétrique, est fragilisé.Les aînés tinecos dépeignent le tableau d’une municipalité dans <strong>la</strong>quelle les membres de leurgénération pâtissent d’un manque de respect. Michael Singleton souligne que « les valeurstelles que le respect pour les aînés n’ont de sens véritable et durable que rapportées à leurdegré d’enracinement empirique » (2008b : 296) car pour l’anthropologue, il y a autant derespects irréductibles qu’il y a de cultures différentes. La négligence des normes coutumièresde salutation est un exemple empirique hautement illustratif de ce que les tinecos nomment lemanque de respect des jeunes à l’égard des personnes plus âgées.Traditionnellement, lorsqu’un tineco croise un anciano ou une anciana sur sa route, le cadetdévie son chemin pour venir à lui et le saluer. Les gestes de salutation engagent le cadet àbaisser légèrement <strong>la</strong> tête et les yeux vers le sol. S’il s’agit d’un enfant, l’aîné porteradélicatement sa main sur sa chevelure en signe d’approbation. Si le cadet a atteint l’âgeadulte, de sa main droite il amènera <strong>la</strong> main droite de l’aîné à effleurer son front.L’importance de <strong>la</strong> salutation des aînés par les cadets est telle, que lorsque les femmes portentun enfant sur leur dos en présence d’aînés, elle dirige son enfant vers ceux-ci par unmouvement des reins. Les aînés déposent alors leur main droite sur le crâne du jeune enfant.L’apprentissage d’un enfant à marcher ne va pas sans lui enseigner les bonnes convenances desalutation. Ainsi, j’ai pu voir le jeune Francisco, âgé alors de deux ans, être encouragé par sa240 Il va sans dire que cette formule lexicale courante qui permet aux narrateurs de ne pas prendre à leur chargeun discours ou des propos avancés, remet en question l’application même de <strong>la</strong> méthode d’analyse en groupe(Van Campenhoudt, Chaumont, Franssen, 2005). En effet, au cours d’une des premières étapes du dispositifméthodologique, les participants sont amenés à raconter un récit qui leur est propre, à <strong>la</strong> première personne dusingulier.241 La controverse « Stoll/Menchú » suscitée par <strong>la</strong> livre Moi, Rigoberta Menchú de Rigoberta Menchú Tum etElisabeth Burgos (Arias, 2001 ; Morales, 2001) illustre parfaitement le déca<strong>la</strong>ge qu’il peut exister entre desmodes proprement culturels de mise en récit de soi qui se confondent avec <strong>la</strong> mise en récit de <strong>la</strong> communautéd’appartenance.321

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