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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 100<br />

pris du suc de viande très ch<strong>au</strong>d et je le mis dans une fiole que je fermai avec<br />

un bouchon de liège, mastiqué avec tant de préc<strong>au</strong>tion que c’était comme si<br />

on avait scellé la fiole hermétiquement. J’exclus ainsi l’air exté rieur, afin<br />

qu’on ne pût pas dire que mes corps mouvants tiraient leur origine d’insectes<br />

ou d’oeufs répandus dans l’atmosphère. <strong>La</strong> petite quantité d’e<strong>au</strong> que je mêlai<br />

avec le suc pour le rendre un peu plus fluide ne constituait pas, je pense, plus<br />

d’un sixième, et je l’y versai bouillante, de peur qu’on ne p.140 pût s’imaginer<br />

qu’il y eût quelques germes contenus dans cette e<strong>au</strong>... Je ne négligeai <strong>au</strong>cune<br />

préc<strong>au</strong>tion, non pas même celle de mettre dans <strong>des</strong> cendres très ch<strong>au</strong><strong>des</strong> le<br />

corps de la fiole après qu’elle fût bouchée, afin que s’il y avait quelque chose<br />

dans cette petite fraction d’air qui remplissait l e col, on vînt à bout de le<br />

détruire et de lui faire perdre la faculté productrice... Ma fiole fut toute<br />

remplie, en quatre jours de temps, d’anim<strong>au</strong>x microscopiquement vivants... »<br />

Et c’était admirable, et ce n’était pas vrai ; et <strong>des</strong> années furent nécessaires<br />

pour examiner la théorie de Needham, la contrôler, la réfuter, pour prouver<br />

que la fermentation de vie, par lui constatée, venait de germes apportés du<br />

dehors, quelque soin qu’il eût pris de les exclure : arrêt, piétinement, retour en<br />

arrière...<br />

Toutes les aventures dont l’histoire <strong>des</strong> idées nous donne le spectacle, les<br />

filiations inattendues, les victoires qui se terminent en défaites, les insuccès<br />

féconds, se retrouvent ici dans leur paroxysme. <strong>Les</strong> botanistes, imbus de<br />

l’esprit scientifique, aspira ient à trouver une classification <strong>des</strong> plantes qui ne<br />

se fondât que sur <strong>des</strong> faits objectivement observés ; et après Tournefort, Linné<br />

crut avoir réussi, à partir de son Systema naturae (1735). « C’est moi qui, le<br />

premier, ai inventé d’utiliser pour les genr es les caractères naturels... » Mais<br />

en même temps, ces botanistes, comme les <strong>au</strong>tres savants leurs frères, et<br />

comme les philosophes, leurs maîtres avoués ou inavoués, cherchaient à faire<br />

entrer l’univers et ses productions dans un plan pré conçu. Ils imaginaient ce<br />

qu’ils appelaient la grande échelle <strong>des</strong> êtres ; les êtres ne pouvaient pas<br />

s’ordonner <strong>au</strong>trement que selon cette échelle où <strong>au</strong>cun barre<strong>au</strong> ne manquait ;<br />

on passait de l’un à l’<strong>au</strong>tre par <strong>des</strong> gradations si menues qu’on pouvait à peine<br />

les distinguer, mais qui n’en étaient pas moins réelles ; le discontinu était<br />

exclu a priori, <strong>au</strong>cune place n’avait le droit de rester vide ; pas de coupure<br />

entre les degrés d’une série, entre la série animale et la série végétale, entre la<br />

série végétale et la série minérale ; une liaison imperceptible existait entre les<br />

hommes et les créatures supérieures, les anges ; <strong>au</strong> sommet, et seul détaché, se<br />

trouvait Dieu. Il fallait à tout prix que chaque case fût occupée ; si on ne<br />

discernait pas encore ses occupants, ceux-ci n’en apparaîtraient pas moins<br />

quelque jour. De sorte que les mêmes hommes qui se proclamaient p.141 les<br />

serviteurs du fait soumettaient le fait, bon gré mal gré, à l’a priori.<br />

Pour passer du dogme de la fixité <strong>des</strong> espèces à l’idée d’une évolution<br />

vitale, une longue et dure lutte était nécessaire. Il fallait pourtant bien<br />

constater que sous l’influence <strong>des</strong> climats exotiques, certains anim<strong>au</strong>x,<br />

certains végét<strong>au</strong>x, avaient changé. Il fallait accepter les résultats apportés par

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