17.08.2013 Views

La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 316<br />

taciturne, philosophe, splénétique, toujours riche et toujours généreux ;<br />

l’Italien, toujours ami <strong>des</strong> be<strong>au</strong>x -arts ; l’Espagnol, toujours noble et fier ; et on<br />

sentait qu’on faisait partie d’une collectivité bizarre , mais indissoluble. Des<br />

coutumes émigraient, l’opéra à l’italienne, le salon à la française, le thé à<br />

l’anglaise, voire la matinée à l’anglaise ; et on finissait par parler <strong>des</strong> « usages<br />

communs de l’Europe ».<br />

<strong>Les</strong> particuliers correspondaient, donnant <strong>des</strong> nouvelles moins de leur vie<br />

privée, de leurs intérêts, de leurs amours, que du mouvement <strong>des</strong> esprits : tel<br />

livre vient de paraître, telle tragédie vient d’être sifflée. <strong>Les</strong> sociétés savantes<br />

correspondaient. Des écrivains à gages avaient pour métier de donner <strong>au</strong>x<br />

princes d’Allemagne la primeur <strong>des</strong> produits de Paris. <strong>Les</strong> journ<strong>au</strong>x, <strong>au</strong>trefois<br />

le répertoire <strong>des</strong> richesses indigènes, étaient envahis par le compte rendu <strong>des</strong><br />

livres d’outre -mont, d’outre -mer ; d’<strong>au</strong>tres se fondaient tout exprès pour<br />

activer les échanges, Bibliothèque anglaise, Bibliothèque germanique,<br />

Journal <strong>des</strong> nouve<strong>au</strong>tés littéraires d’Italie, Journal étranger ; d’<strong>au</strong>tres encore<br />

invoquaient jusque dans leur titre leur caractère européen, L’Europe savante,<br />

Histoire littéraire de l’Europe, Bibliothèque raisonnée <strong>des</strong> savants de<br />

l’Europe, Biblioteca universale o gran Giornal d’Europa, Estratto della<br />

letteratura europea, L’Europa letteraria, Giornale letterario d’Europa,<br />

Correo general historico, literario y economico de la Europa ; en les lisant,<br />

comme dit un journal italien, « les hommes qui jadis étaient Romains,<br />

Florentins, Génois, ou Lombards, devenaient tous plus ou moins<br />

Européens 1. »<br />

Si, dans les écoles, les langues étrangères n’étaient guère enseignées, on<br />

commençait à les apprendre lorsqu’on s’a percevait que, dans la vie, elles<br />

devenaient nécessaires <strong>au</strong> commerce <strong>des</strong> intelligences. Une grammaire<br />

paraissait ; d’édition en édition, elle suivait une longue carrière ; jusqu’à ce<br />

qu’un <strong>au</strong>tre <strong>au</strong>teur, relevant les f<strong>au</strong>tes de celui qui l’avait précédé, p.427 cet<br />

ignorant, lançât à son tour une grammaire, encore plus fructueuse ; il arrivait<br />

<strong>au</strong>x rivales de se fondre plutôt que de se nuire, deux grammaires en une seule,<br />

bonne affaire pour l’acheteur, bonne <strong>au</strong>ssi pour les vendeurs. De même<br />

paraissaient, nombreux, les dictionnaires. Et les extraits et les morce<strong>au</strong>x<br />

choisis. <strong>Les</strong> maîtres de langues allaient depuis les plus obscurs aventuriers<br />

jusqu’<strong>au</strong>x écrivains illustres : Baretti a été professeur d’italien à Londres, et<br />

Goldoni à Paris.<br />

Que de traductions ! comme on les voit se h<strong>au</strong>sser pour peu que du XVII e<br />

<strong>au</strong> XVIII e <strong>siècle</strong> on suive leur courbe ! Traductions où s’inscrit, en bévues, en<br />

contresens, en énormités, l’ignorance <strong>des</strong> intrépi<strong>des</strong> qui ne connaissent ni la<br />

langue étrangère, ni la leur ; entreprises commerciales, manufactures où <strong>des</strong><br />

besogneux travaillent pour le compte d’éditeurs avi<strong>des</strong> ; chefs-d’oeuvre traités<br />

« comme ces infortunés qu’un corsaire dépouillait de leurs habits<br />

magnifiques, après les avoir arrachés de leur patrie, et qu’il va vendre dans<br />

1 Il Caffè, 1764, Premier article.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!