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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 133<br />

gouvernement, ressemblait le mieux à une bonne monarchie ; la meilleure<br />

monarchie était celle où le pouvoir n’était pas plus arbitraire que sous une<br />

république. L’Agathon de Wieland, après <strong>des</strong> expériences successives dans<br />

les diverses nations dont se composait la Grèce, n’aimait ni la démocratie qui<br />

n’était qu’une tyrannie déguisée ; ni l’aristocratie qui ne pouvait s’établir sur<br />

une base durable que par la complète oppression du peuple ; ni une<br />

constitution mêlée, une sorte de chimie politique, qui prétendait tirer<br />

d’éléments contradictoires un composé excellent. Il préférait, somme toute,<br />

une monarchie, une suite constante de m<strong>au</strong>vais rois étant peu probable, et un<br />

seul bon roi suffisant à réparer le mal que ses prédécesseurs avaient fait. Tel<br />

était le sentiment général : on faisait une révérence à la république, en ajoutant<br />

que son climat naturel avait été l’antiquité, et qu’elle était plus spécialement<br />

adaptée <strong>au</strong>x petits États ; après quoi on penchait pour la monarchie, à laquelle<br />

les coeurs restaient fidèles.<br />

L’essentiel était que le gouvernement fût constitué de telle sorte, qu’<strong>au</strong>cun<br />

<strong>des</strong> éléments qui le composaient ne pût dominer les <strong>au</strong>tres. <strong>La</strong> forme politique<br />

était indifférente, pourvu qu’un équilibre savant contînt également les chefs,<br />

pour les empêcher d’ab user du pouvoir, et les sujets, pour éviter l’anarchie.<br />

Machine si bien réglée, qu’elle devait se freiner d’elle -même, dès qu’un de ses<br />

rouages menaçait de l’emporter ; forces et contreforces, les contreforces se<br />

déclenchant <strong>au</strong> moindre signal d’alarme. On prêtait un peu d’<strong>au</strong>to rité à ceux<br />

qui n’en avaient jamais eu, les sujets ; on en retirait be<strong>au</strong>coup à ceux qui<br />

avaient l’habitude d’en avoir, les rois ; c’est de ceux -là surtout qu’on se<br />

méfiait, toujours prêts <strong>au</strong>x empiétements, <strong>au</strong>x abus, <strong>au</strong>x violences ; <strong>au</strong>ssi ne<br />

leur laissait-on que l’ombre de leur ancien pouvoir : on les réduisait <strong>au</strong> rôle de<br />

surveillants ; on pensait qu’ils rempliraient leur devoir, si, <strong>au</strong> lieu de<br />

gouverner, ils agissaient en sorte qu’on eût le moins besoin possible de leur<br />

gouvernement. Arbitres entre les différents corps de l’État, arbitrés <strong>au</strong>ssi s’ils<br />

venaient à p.183 entrer en conflit avec l’un de ces corps, ils perdaient la balance<br />

et la hache ; ils ne gardaient plus que le sceptre que leurs concitoyens avaient<br />

bien voulu leur laisser, dernière faveur.<br />

Il y avait <strong>au</strong> monde un État libéral qui existait, qui prospérait, qui avait<br />

atteint, tout ensemble, la puissance et le bonheur. Et donc on se tournait vers<br />

l’Angleterre comme vers un idéal. Que sa constitution fût admirable, parce<br />

qu’e lle avait établi la séparation <strong>des</strong> pouvoirs, exécutif, législatif, judiciaire,<br />

c’était l’avis de l’Angleterre elle -même : un mécène fondait à Oxford une<br />

chaire de droit constitutionnel, pour qu’un savant juriste, William Blackstone,<br />

justifiât par l’histoir e et par la raison l’excellence de son gouvernement. Ce<br />

n’était pas moins l’avis de l’Europe ; ceux qui avaient visité l’île heureuse<br />

revenaient disant ses mérites politiques, Béat de Muralt, l’abbé Prévost, l’abbé<br />

Leblanc, Voltaire ; et cet avocat de Genève, M. de Lorme, qui fit tout un livre<br />

pour que l’Europe connût mieux cette constitution sans rivale : la liberté,<br />

rêvée plutôt que réalisée sur le continent, s’était réfugiée dans l’Océan<br />

Atlantique, où elle avait sa citadelle. Même la gloire <strong>des</strong> premiers temps de

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