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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 173<br />

qu’Horace, comme dit Hagedorn, était un philosophe aimable, Aris tippe et<br />

non pas Diogène, ami de l’humanité ; c’est qu’il représentait la mollesse et la<br />

volupté, comme dit Voltaire en s’adressant familièrement à lui :<br />

Je t’écris <strong>au</strong>jourd’hui, voluptueux Horace,<br />

A toi qui respiras la mollesse et la grâce,<br />

Qui, facile en tes vers et gai dans tes discours,<br />

Chantas les doux loisirs, les vins et les amours.<br />

p.235 C’est encore que les sens, enorgueillis, réclamaient leur place. C’est<br />

enfin que quelques-unes <strong>des</strong> idées maîtresses du <strong>siècle</strong>, formulées par ses<br />

gui<strong>des</strong>, <strong>des</strong>cendaient jusqu’à la foule qui suivait : l’idée que le bonheur devait<br />

être saisi sous toutes ses formes ; l’idée que le plaisir était l’élément essentiel<br />

du bonheur. En ce temps-là, « la littérature est une décoration de la vie, elle<br />

est une <strong>des</strong> jouissances dont se compose le bonheur, fin de notre nature : le<br />

plaisir est la suprême loi 1. »<br />

<strong>La</strong> littérature du plaisir pouvait être <strong>au</strong>ssi bien les poèmes érotiques, les<br />

contes grivois, les romans obscènes. Mais quelquefois, elle arrivait à saisir la<br />

grâce, et c’était alors sa suprême réussite. Non pas une grâce spontanée, et<br />

comme innocente, ignorante de son charme ; mais toute savante qu’elle était,<br />

sa qualité restait si délicate et si fine que le secret s’en est perdu. Instant de<br />

musique ailée, rapide vision d’une a rabesque qui se déroule, agile reflet sur un<br />

miroir d’e<strong>au</strong> : Elle arrivait à jaillir d’immenses machines, comme il fallait un<br />

appareil compliqué pour produire les éclairs et les fulgurations. C’était, en<br />

effet, une immense machine que l’opéra, tel que Méta stase l’avait porté à son<br />

point de perfection. Supposons le genre le plus factice du monde, le livret ;<br />

rappelons-nous, comme l’a fait remarquer Baretti, qu’il est asservi d’abord à<br />

toutes les exigences du musicien ; ensuite <strong>au</strong>x caprices <strong>des</strong> chanteurs ; ensuite<br />

<strong>au</strong>x règles strictes qui demandent que dans un acte donné, il y ait place pour<br />

un duo, pour un solo, pour un récitatif ; ensuite <strong>au</strong>x étroitesses d’un vocabu -<br />

laire qui ne peut souffrir un mot inhabituel, ou trop violemment pittoresque,<br />

ou manquant d’ harmonie. Ajoutons d’<strong>au</strong>tres difficultés venues de Métastase<br />

lui-même ; il veut que son livret ressemble à une tragédie, il le défend <strong>au</strong> nom<br />

d’Aristote, les légères libertés qu’il a pu prendre sont toutes fondées en raison.<br />

Toutes conditions de gêne. Et pourtant, la grâce s<strong>au</strong>vera cet ensemble ingrat ;<br />

par moments même, elle deviendra si belle et si prenante qu’elle suscitera<br />

l’émotion et les larmes. Stendhal l’a dit : « Le génie tendre de Métastase l’a<br />

porté à fuir tout ce qui pouvait donner la moindre peine, même éloignée, à son<br />

spectateur. Il a reculé de ses yeux ce qu’ont de trop poignant les peines du<br />

sentiment ; jamais de p.236 dénouement malheureux ; jamais les tristes réalités<br />

de la vie ; jamais ces froids soupçons qui viennent empoisonner les passions<br />

les plus tendres. Il n’a pris <strong>des</strong> passions que ce qu’il fallait pour intéresser,<br />

rien d’âcre et de farouche ; il ennoblit la volupté. »<br />

1 Gustave <strong>La</strong>nson, Voltaire, 1910. Chapitre V, Le goût de Voltaire.

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