La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 75<br />
p.105 C’en était fait, Port -Royal était détruit, du jansénisme on n’entendrait<br />
plus parler. Le 8 septembre 1713, la Bulle Unigenitus condamne cent une<br />
propositions tirées d’un livre qui avait paru en 1671, la Morale de l’Évangile,<br />
et qui avait été souvent réédité sous le nouve<strong>au</strong> titre de Réflexions morales,<br />
par un prêtre de l’Oratoire, le P. Quesnel : propositions hérétiques. Là-<strong>des</strong>sus,<br />
tout recommence, et pendant de longues années le jansénisme va troubler la<br />
conscience religieuse de l’Europe, à <strong>des</strong> degrés divers.<br />
Il fleurit à Utrecht, où il trouve un apôtre dans la personne de Gabriel<br />
Duparc de Bellegarde, qui par ses ouvrages, par sa correspondance, par son<br />
action personnelle, procure à l’hérésie un centre de résistance et d’action. Il a<br />
<strong>des</strong> ramifications <strong>au</strong>x Pays-Bas ; à la cour de Vienne, où il est professé par<br />
Van Swieten ; en Espagne, où <strong>des</strong> canonistes, défenseurs du pouvoir royal, le<br />
prennent comme allié ; <strong>au</strong> Portugal ; <strong>au</strong> Collegium germanicum de Rome ; à<br />
Naples ; en Lombardie et en Toscane. Scipione de Ricci, nommé en 1780<br />
évêque de Pistoia, accueille les brochures de propagande que son ami<br />
Bellegarde lui envoie, adopte pour son diocèse un catéchisme teinté de<br />
jansénisme, rédige <strong>des</strong> lettres pastorales de même couleur, admire l’ouvrage<br />
du P. Quesnel, favorise <strong>des</strong> imprimeries d’où sortent <strong>des</strong> traités inspirés de ses<br />
idées, encourage un journal de Florence, Gli Annali Ecclesiastici, qui<br />
continuent la tradition <strong>des</strong> Nouvelles Ecclésiastiques : tant et tant que<br />
quatre-vingt-dix <strong>des</strong> propositions du Synode qu’il réunit, le 18 septembre<br />
1786, seront condamnées par la Pap<strong>au</strong>té.<br />
Pour ce qui est <strong>des</strong> choses de France, on sait comment le roi ordonna<br />
l’enregis trement de la Bulle ; comment le Parlement favorisa ceux qui ne<br />
l’acceptèrent pas ; comment les évêques furent partagés ; et comment une<br />
guerre religieuse s’ensuivit. Comment, sur la tombe du diacre Pâris, <strong>au</strong> cime -<br />
tière Saint-Médard, <strong>des</strong> convulsionnaires se produisirent ; comment le<br />
cimetière Saint-Médard fut fermé ; comment les f<strong>au</strong>x miracles se<br />
multiplièrent ; comment <strong>des</strong> religieuses se firent piétiner, frapper à coups de<br />
bûches, écraser sous <strong>des</strong> planches, et crucifier, pour donner <strong>des</strong> preuves<br />
éclatantes de leur foi janséniste. Comment on exigea <strong>des</strong> fidèles qui voulaient<br />
recevoir les sacrements un billet de confession p.106 délivré par un prêtre<br />
soumis à la Bulle ; comment les jansénistes dénoncèrent <strong>au</strong> Parlement les<br />
prêtres qui refusaient d’administrer l es sacrements sans ce billet de<br />
confession ; comment le Parlement poursuivit ces prêtres. Comment le<br />
Parlement engagea contre la roy<strong>au</strong>té une longue lutte, où il fut vaincu.<br />
Comment l’opinion publique fut divisée, déchirée ; comment appelants et<br />
acceptants s’acharnèrent ; quel émoi régna dans les âmes, et quelle aigreur.<br />
<strong>Les</strong> conséquences n’ont pas été moins clairement marquées. <strong>Les</strong> matières<br />
de foi les plus délicates ont été traitées sur la place publique, et le plus<br />
ignorant s’est cru maître de décider si le s propositions condamnées par la<br />
Bulle se trouvaient dans le livre du P. Quesnel ou si elles n’y étaient pas ; de<br />
sorte que <strong>des</strong> gens « entêtés comme <strong>des</strong> diables », <strong>des</strong> femmelettes et jusqu’à<br />
<strong>des</strong> femmes de chambre, se seraient fait hacher à propos de faits, de