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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 91<br />

distinguer le bien du mal, comme le bleu du j<strong>au</strong>ne, en un mot être né avec<br />

l’intelligence et un instinct sûr de morale, sont <strong>des</strong> choses qui ne sont pas plu s<br />

contradictoires qu’être un singe et un perroquet, et savoir se donner du<br />

plaisir. » Ou si l’on veut il est plante, les plantes étant elles -mêmes <strong>des</strong><br />

machines : L’homme plante (1748) : « Celui qui a regardé l’homme comme<br />

une plante n’a pas fait plus de to rt à cette belle espèce que celui qui en a fait<br />

une pure machine. L’homme croît dans la matrice par végé tation, et son corps<br />

se dérange et se rétablit comme une montre, soit par ses propres ressorts, dont<br />

le jeu est souvent heureux, soit par l’art de ceux qui les connaissent, non les<br />

horlogers, mais les physiciens chimistes. » Acceptons cette fatalité : « Nous<br />

ne sommes pas plus criminels, en suivant l’impulsion <strong>des</strong> mouvements<br />

primitifs qui nous gouvernent, que le Nil ne l’est de ses inondations, et la mer<br />

de ses ravages. » Ou plutôt réjouissons-nous-en : « Savez-vous pourquoi je<br />

fais encore quelque cas <strong>des</strong> hommes ? C’est que je les crois sérieu sement <strong>des</strong><br />

machines. Dans l’hypothèse contraire, j’en connais peu dont la société fût<br />

estimable. Le matérialisme est l’antidote de la misanthropie. »<br />

<strong>La</strong> Mettrie, d’aventure en aventure et de scandale en scan dale, avait trouvé<br />

asile <strong>au</strong>près de Frédéric II ; l’athée du roi, p.128 disait Voltaire. Il avait plus de<br />

matière que la moyenne <strong>des</strong> hommes, étant gras, joufflu, pansu, énorme, et<br />

goinfre ; le 11 novembre 1758, sa machine mourut <strong>des</strong> suites d’une indi -<br />

gestion.<br />

Une vulgarisation de l’athéisme, enfin, s’exprima dans une foule<br />

d’ouvrages, et dans deux en particulier, Le système de la Nature (1770) et Le<br />

Bon Sens, ou idées naturelles opposées <strong>au</strong>x idées surnaturelles (1772),<br />

résumé du premier. Il y eut un athée de profession, qui se fit lire <strong>des</strong> savants et<br />

<strong>des</strong> ignorants, <strong>des</strong> duchesses et <strong>des</strong> femmes de chambre ; et ce fut P<strong>au</strong>l Thiry,<br />

baron d’Holbach. Allemand d’origine et né à Hil<strong>des</strong>heim, il était venu à Paris<br />

pour y faire ses étu<strong>des</strong>, et y était resté. Un hôtel particulier, de bons dîners<br />

deux fois la semaine ; une maison de campagne accueillante : quels moyens<br />

d’action ! Be<strong>au</strong>coup d’Européens de marque ont reçu l’hospitali té de la rue<br />

Royale Saint-Honoré, ou du châte<strong>au</strong> du Grandval. Ce n’est pas que le baron<br />

eût du génie ; ses idées sont ramassées de droite et de g<strong>au</strong>che ; sa prose est<br />

lourde et pâteuse, et ses effets de grandiloquence ne suffisent pas à la<br />

soulever, ils la boursouflent. Ce n’est pas non plus que son caractère fût par -<br />

fait : contrasté, capricieux : imaginez, pour reprendre les expressions de<br />

Diderot, qui fut de ses intimes, un satyre gai, piquant, insouciant, nerveux ; un<br />

ton original et polisson ; une humeur changeante, qui le portait à contrarier et<br />

à brusquer ses amis ; un coeur généreux et volontiers bienfaisant, mais<br />

capable <strong>au</strong>ssi d’amertumes qui rendaient la vie difficile à son entourage ; les<br />

bons moments compensaient les m<strong>au</strong>vais, mais non pas toujours ; il attirait et<br />

repoussait... Mais il était riche, il était sociable et avait sa place marquée dans<br />

la meilleure compagnie ; il était laborieux et actif ; et il sentait en lui une

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