La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 309<br />
parmi ceux qui lui jetaient l’anathème, parce que <strong>Les</strong>sing, hardiment, achevait<br />
ces préparations et transformait cet ensemble, en leur ajoutant la philosophie<br />
du devenir.<br />
Qu’est -ce, en effet, pour lui que la révélation ? Rien d’<strong>au</strong>tre que<br />
l’éducation progressive du genre humain. C’est le titre du livre capital qu’il<br />
publia l’année 1780 : Die Erziehung <strong>des</strong> Menschengeschlechts.<br />
Ce que l’éduca tion est pour l’individu, la révélation l’est pour l’humanité.<br />
Comme l’éducation ne fournit rien à l’homme, qui ne soit déjà en lui -même,<br />
mais le lui donne plus facilement et plus rapidement : ainsi la révélation ne<br />
fournit rien à l’huma nité que celle-ci ne puisse atteindre d’elle -même, mais<br />
elle l’aide à dégager ses richesses obscures. <strong>La</strong> révélation n’est pas<br />
fulgurante ; elle se sert du temps. Quoique le premier homme ait été doué de<br />
la notion d’un Dieu unique, il était impossible que cette notion, commu niquée<br />
et non trouvée, persistât dans son état pur ; et l’homme s’est livré à l’idolâtrie,<br />
<strong>au</strong> polythéisme, qu’il ne f<strong>au</strong>t pas mépriser si on les remet dans leur ordre<br />
chronologique et à leur place, et qui sont déjà la p.418 possibilité grossière d’un<br />
développement futur. Ces égarements <strong>au</strong>raient pu durer pendant <strong>des</strong> millions<br />
d’années, si Dieu n’était venu leur donner une nouvelle direction. Il a choisi<br />
un peuple — le plus ignorant de tous, le peuple israélite — pour lui communiquer<br />
l’idée d’un Dieu unique ; et ce progrès était considérable. Mais comme<br />
on était loin encore du concept transcendantal de l’unité ! Il ne pouvait, ce<br />
peuple enfant, recevoir d’<strong>au</strong>tre éducation que celle qui convient à un peuple<br />
enfant. Cependant les <strong>au</strong>tres peuples avaient continué leur route à la lumière<br />
de la raison ; be<strong>au</strong>coup étaient en retard, quelques-uns étaient en avance. <strong>Les</strong><br />
Israélites apprirent dans leur servitude, <strong>au</strong> milieu de la sage nation <strong>des</strong> Perses,<br />
à mesurer leur croyance avec la conception de l’Être <strong>des</strong> êtres, tel qu’une<br />
raison plus exercée l’avait connu et honoré. <strong>La</strong> révélation avait guidé leur<br />
raison ; et maintenant la raison, à son tour, contribuait <strong>au</strong> progrès de la<br />
révélation ; premier service réciproque que ces deux puissances se fussent<br />
rendu ; <strong>au</strong>x yeux du Créateur, une telle influence mutuelle est si peu<br />
messéante, que sans elle l’une <strong>des</strong> deux, révélation ou raison, serait inutile.<br />
C’est par ce contact que les juifs apprirent à mieux connaître Dieu. Il y avait,<br />
dans leurs saintes écritures, <strong>des</strong> allusions, <strong>des</strong> indications, <strong>au</strong> sujet de<br />
l’immortalité de l’âme ; mais cette croyance, trop élevée pour le commun,<br />
resta, à ce stade, l’apanage de quelques particuliers. Dans ces préparations<br />
consistait la valeur de la Bible, livre élémentaire qui devait être dépassé.<br />
Il le fut. Christ vint ; le Nouve<strong>au</strong> Testament fut le second livre, supérieur<br />
<strong>au</strong> premier. Il a servi, il a occupé l’entende ment humain pendant <strong>des</strong> <strong>siècle</strong>s ;<br />
mais il ne s<strong>au</strong>rait durer éternellement. <strong>La</strong> progression continuera. Nous <strong>au</strong>rons<br />
<strong>des</strong> idées plus justes et plus rapprochées du vrai, sur l’essence divine, sur<br />
notre nature, sur nos rapports avec Dieu ; nous irons vers la moralité<br />
désintéressée qui nous fera chérir la vertu pour elle-même. <strong>Les</strong>sing devient