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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 161<br />

suivre sa propre tradition, épuisée ; ou à imiter l’Arcadie italienne : laquelle,<br />

née du désir de vivifier la poésie, et de la transférer en plein air pour l’arracher<br />

<strong>au</strong>x boudoirs, avait bientôt dégénéré en bergerie bêlante. Or, en 1746, paraît le<br />

Verdadeiro Metodo de Estudar, de Luis Antonio Verney, qui propose à ses<br />

compatriotes une méthode pour mieux étudier, pour mieux penser ; p.219 en<br />

1748 paraît un Art poétique, celui de Francisco Jose Freire ; la vertu du<br />

classicisme n’est pas encore épuisée <strong>au</strong> Portugal.<br />

Ce serait se montrer bien expéditif que de voir dans cet effort continu un<br />

simple cas de contagion mentale. Au contraire, on croit entendre un appel, qui<br />

vient successivement <strong>des</strong> pays où le classicisme n’avait pas encore opéré, et<br />

qui demandent son intervention. Peu à peu sa présence tend à devenir totale et<br />

exclusive ; il cesse d’être un principe de libération intellectuelle pour devenir<br />

préjugé. Tout se passe alors comme s’il avait poussé trop loin sa conquête,<br />

comme s’il avait préparé <strong>des</strong> revanches par l’excès de sa domination, comme<br />

s’il le s avait rendues nécessaires à leur tour, comme s’il n’avait plus laissé <strong>au</strong>x<br />

esprits d’<strong>au</strong>tre ressource qu’une évolution littéraire, comme si l’Aufklärung<br />

avait proposé le Sturm und Drang.<br />

Époque où il n’y eut pas de capitale, et même de grande ville de prov ince,<br />

qui ne voulût avoir son Académie : l’Angle terre elle-même pensa quelquefois<br />

qu’elle devrait bien installer, sous une coupole, quarante f<strong>au</strong>teuils. Époque où<br />

l’on opéra la révision de la langue, de la grammaire, de l’orthographe, pour les<br />

moderniser. Époque où, à côté de la critique philosophique, se manifesta une<br />

critique littéraire qui devint une <strong>des</strong> puissances du jour. Souvent on protestait<br />

contre ses rigueurs : le premier sot venu, le premier fat, le premier poète<br />

manqué, s’arrogeait le droit de p arler h<strong>au</strong>t, de porter <strong>des</strong> jugements injustes,<br />

d’attaquer les <strong>au</strong>teurs célèbres ! le moins capable était le plus acrimonieux !<br />

Mais ces plaintes ne tendaient qu’à demander une dignité plus grande pour la<br />

critique, qu’à lui conférer un caractère d’art qui ne fût pas inférieur à celui de<br />

la création : par elle, bien exercée, on pouvait devenir <strong>au</strong>ssi célèbre que<br />

l’Orateur, le Poète, le Dramaturge. Se produisirent alors quelques -uns <strong>des</strong> plus<br />

grands critiques qui furent jamais, Pope, Voltaire, <strong>Les</strong>sing. Et si ces derniers<br />

s’acquirent d’<strong>au</strong>tres titres à la survie, il y eut à côté d’eux les critiques purs,<br />

les écrivains, qui exercèrent leur magistrature de telle sorte qu’ils sont passés<br />

à l’immortalité.<br />

Giuseppe Baretti a choisi pour pseudonyme Aristarco Scannabue,<br />

Aristarque Egorgeboeuf ; et pour titre de sa feuille critique, <strong>La</strong> Frusta<br />

letteraria 1, le Fouet littéraire. Son fouet, p.220 comme il l’a fait claquer sur le<br />

dos <strong>des</strong> m<strong>au</strong>vais écrivains, lorsque après son long séjour en Angleterre il est<br />

revenu en Italie ! Il a déclaré la guerre à l’Arcadie, <strong>au</strong>x « antiquari » qui ne<br />

s’intéressaient qu’<strong>au</strong>x morts, <strong>au</strong>x vaniteux qui, croyant faire mieux passer<br />

leurs livres insipi<strong>des</strong>, les ornaient d’une pompeuse dédicace, <strong>au</strong>x <strong>au</strong>teurs de<br />

1 <strong>La</strong> Frusta letteraria, octobre 1763-juillet 1765.

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