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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 210<br />

et l’action immédiate d’un agent immatériel qui enchaîne, meut et dis pose<br />

toutes choses selon les règles et pour les fins qu’il trouve à propos. <strong>Les</strong><br />

philosophes mécaniciens prenaient pour objet de leur recherche les règles et la<br />

manière de l’opération, non sa c<strong>au</strong>se, rien de mécanique n’étant et ne pouvant<br />

être une c<strong>au</strong>se. Seul un esprit peut être à proprement parler une c<strong>au</strong>se.<br />

L’attraction newtonienne, Berkeley ne la niait pas ; mais il l’interprétait.<br />

Quand on dit que tous les mouvements et tous les changements qui se<br />

produisent dans l’univers naissent de l’attraction ; que l’élasticité de l’air, le<br />

mouvement de l’e<strong>au</strong>, la <strong>des</strong>cente <strong>des</strong> corps graves, l’ascension <strong>des</strong> corps<br />

légers, s’att ribuent <strong>au</strong> même principe ; quand de l’insensible attrac tion <strong>des</strong><br />

moindres particules <strong>au</strong>x plus petites distances, on déduit la cohésion, la<br />

dissolution, la coagulation, la sécrétion animale, la fermentation et toutes les<br />

opérations chimiques ; quand on ajoute que sans de tels principes, il n’y <strong>au</strong>rait<br />

dans le monde <strong>au</strong>cun mouvement, et que s’ils cessaient d’agir, tout<br />

mouvement devrait cesser ; quand on dit tout cela, on ne sait <strong>au</strong> fond, et on<br />

n’entend <strong>au</strong>tre chose, si ce n’est que les corps se meuvent selon un certain<br />

ordre, et qu’ils ne se donnent point à eux -mêmes leur mouvement...<br />

Berkeley agaçait les philosophes. Non point tant par la partie apologétique<br />

de son oeuvre : grand ennemi du « menu fretin » <strong>des</strong> libres penseurs, il voulait<br />

que sa doctrine conduisît directement à une preuve nouvelle de l’existence de<br />

Dieu : les choses sensibles n’ayant d’existence que dans un esprit, il fallait<br />

admettre la réalité d’un Esprit, qui était Dieu. De cette p.286 argumentation-là,<br />

ses lecteurs incrédules faisaient bon marché ; elle ne leur semblait être qu’un<br />

corollaire : mais ce Berkeley ne leur en paraissait pas moins un grand gêneur.<br />

Comment réfuter un homme qui ne différait d’eux qu’en ce qu’il poussait<br />

jusqu’<strong>au</strong> bout les conséquences de leur principe initial ? Il était facile de le<br />

tourner en ridicule, et de dire, par exemple, que dix mille hommes tués par dix<br />

mille coups de canon n’étaient <strong>au</strong> fond que dix mille appréhensions de notre<br />

entendement ; que quand un homme faisait un enfant à sa femme, ce n’était<br />

qu’une idée qui se logeait dans une <strong>au</strong>tre idée, dont il naissait une troisième<br />

idée. Il était plus facile encore de s’indigner : jusqu’où iront les aberrations de<br />

l’esprit humain ? Monstruosité, que de nier l’existence du monde extérieur.<br />

Après quoi on devait bien admettre que ni le ridicule ni l’indi gnation ne<br />

suffisaient, en l’espèce. En tête de la traduction française <strong>des</strong> dialogues<br />

d’Hylas et de Philonous, une gravure représentait un enfant qui, voyant sa<br />

figure dans un miroir, cherchait à la saisir ; l’enfant ria it de sa méprise. Mais<br />

la légende indiquait qu’il avait tort de rire. Quid ri<strong>des</strong> ? Fabula de te narratur.<br />

Avec quelle patience, pendant trois quarts de <strong>siècle</strong>, on a cherché un fait<br />

irréfutable qui permettrait de savoir si la sensation était purement subjective,<br />

ou si elle répondait à une réalité, hors de nous ! Qui sait si un aveugle,<br />

recouvrant tout d’un coup la vue, percevait la distance en tant que réalité<br />

sensible ? — Cette expérience, le savant M. Molineux l’avait imaginée<br />

d’abord, la suggérant à M. L ocke, dans une lettre qu’il lui avait écrite en ces<br />

termes : Supposez un aveugle de naissance, qui soit présentement un homme

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