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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 27<br />

misérables Hottentots, dernier échelon avant la brute, du Nord <strong>au</strong> Sud et de<br />

l’Est à l’Ouest, la nature s’exprime par la voix de la raison.<br />

Son excellence achève de se marquer à sa vertu bienfaisante. Parce qu’elle<br />

perfectionnera les sciences et les arts et qu’ainsi se multiplieront nos aises et<br />

nos facilités ; parce qu’elle sera le juge qui nous fera savoir, plus sûrement<br />

que la sensation elle-même, quelle est <strong>au</strong> juste la qualité de nos plaisirs, et par<br />

conséquent ceux qu’il f<strong>au</strong>t délaisser et ceux qu’il f<strong>au</strong>t prendre ; parce que le<br />

malheur n’est qu’un déf<strong>au</strong>t de connaissance ou qu’un jugement erroné, parce<br />

qu’elle remédie à l’un et qu’elle corrige l’<strong>au</strong>tre : ce que le passé avait toujours<br />

promis sans le donner, elle l’accomplira, elle nous rendra heureux. Elle<br />

apportera le salut ; elle équiv<strong>au</strong>dra pour le philosophe, dit Dumarsais, à ce<br />

qu’est la grâce pour saint Augustin ; elle éclairera tout homme venant en ce<br />

monde, étant lumière.<br />

<strong>La</strong> lumière ; ou mieux encore, les lumières, puisqu’il ne s’agissait pas<br />

d’un seul rayon, mais d’un faisce<strong>au</strong> qui se proje tait sur les gran<strong>des</strong> masses<br />

d’ombre dont la terre était encore couverte, ce fut un mot magique que<br />

l’époque s’est plu à dire et à redire, avec quel ques <strong>au</strong>tres que nous verrons.<br />

Comme elles étaient douces <strong>au</strong>x yeux <strong>des</strong> sages, ces lumières qu’eux -mêmes<br />

avaient allumées ; comme elles étaient belles et comme elles étaient<br />

puissantes ; comme elles étaient redoutées <strong>des</strong> superstitieux, <strong>des</strong> fourbes, <strong>des</strong><br />

méchants ! Enfin elles brillaient ; elles émanaient <strong>des</strong> <strong>au</strong>gustes lois de la<br />

raison ; elles accompagnaient, elles suivaient la Philosophie qui s’avançait à<br />

pas de géant. Eclairés, voilà ce qu’étaient les enfants du <strong>siècle</strong> : car la<br />

métaphore délectable se prolongeait indéfiniment. p.40 Ils étaient les<br />

flambe<strong>au</strong>x ; la lampe dont la lueur les dirigeait dans le cours de leurs <strong>pensée</strong>s<br />

et de leurs actions ; l’<strong>au</strong>be annon ciatrice ; le jour ; et le soleil, constant,<br />

uniforme, durable. <strong>Les</strong> hommes avaient erré, avant eux, parce qu’ils avaient<br />

été plongés dans l’obscurité, parce qu’ils avaient dû vivre <strong>au</strong> milieu <strong>des</strong><br />

ténèbres, <strong>des</strong> brouillards de l’ignorance, <strong>des</strong> nuées qui cachaient la droite<br />

route ; on avait couvert leurs yeux d’un bande<strong>au</strong>. <strong>Les</strong> pères avaient été <strong>des</strong><br />

aveugles, mais les fils seraient les enfants de la lumière.<br />

Peu leur importait que l’image fût <strong>au</strong>ssi ancienne que le monde, et qu’elle<br />

fût née peut-être <strong>au</strong> moment où les fils d’Adam, effrayés par la nuit, s’étaient<br />

rassurés en voyant poindre le jour. Peu leur importait même qu’elle eût été<br />

théologique : « Je suis la lumière du monde, et celui qui me suit ne marche<br />

pas dans les ténèbres. » Ils se l’appropriaient, ils la faisaient leur, comme s’ils<br />

l’avaient découverte. <strong>La</strong> lumière, les lumières, c’était la devise qu’ils<br />

inscrivaient sur leurs drape<strong>au</strong>x, car pour la première fois une époque<br />

choisissait son nom. Commençait le <strong>siècle</strong> <strong>des</strong> lumières ; commençait l’Auf -<br />

klärung.<br />

Was ist Aufklärung ? s’est demandé Kant, lorsque, les temps étant révolus,<br />

il a jugé bon de procéder à un examen de conscience rétrospectif. Il a répondu<br />

qu’elle avait été, pour l’homme, une crise de croissance, la volonté de sortir

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