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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 307<br />

nicht sein : chaque chose est ce qu’elle est ; une chose ne peut pas à la fois<br />

être et ne pas être. Ainsi muni, Reimarus s’engage dans l’ examen de l’Ancien<br />

Testament, sans se faire f<strong>au</strong>te d’interrompre son travail critique par <strong>des</strong><br />

exclamations passionnées, <strong>des</strong> interrogations, <strong>des</strong> appels : ah ! comme les<br />

esprits tombent facilement dans l’erreur ! comment est-il possible qu’on ait<br />

tenu pour vrais, pendant <strong>des</strong> générations et <strong>des</strong> générations, <strong>des</strong> faits <strong>au</strong>ssi<br />

manifestement contradictoires ? — Une religion qui est bonne et sage dans<br />

son essence ne peut avoir eu que <strong>des</strong> p.415 intermédiaires bons et sages ; or<br />

regardez les personnages de la Bible, regardez David : ils n’étaient ni bons, ni<br />

sages ; ils étaient vindicatifs, cupi<strong>des</strong>, immor<strong>au</strong>x ; donc une religion qui se<br />

fonde sur la tradition juive ne s<strong>au</strong>rait être bonne et sage ; elle ne s<strong>au</strong>rait être<br />

vraie. Pas une histoire <strong>au</strong> monde où tout dépende <strong>au</strong>ssi directement de Dieu ;<br />

et pas une où les dépositaires <strong>des</strong> ordres divins ne soient moins dignes de les<br />

recevoir ; dès lors il s’agit d’une histoire juive et non pas divine. Une religion<br />

qui prétend donner <strong>au</strong>x hommes un code de conduite morale doit formuler <strong>des</strong><br />

règles précises, intelligibles à tous, parfaitement déterminées dans leur<br />

rédaction et dans leur contenu ; or la Bible ne contient pas cet enseignement ;<br />

elle ne considère même pas l’âme comme immortelle : donc ses préceptes ne<br />

s<strong>au</strong>raient provenir d’une révélation divine.<br />

Reimarus ne procède pas <strong>au</strong>trement <strong>au</strong> sujet de l’Évangile : le Nouve<strong>au</strong><br />

Testament, qui devrait contenir une vérité unique et qui, rédigé par quatre<br />

personnes, varie sur les temps, sur les lieux, sur les discours tenus, sur les faits<br />

accomplis, implique contradiction, et donc ne s<strong>au</strong>rait faire foi. Le<br />

protestantisme est examiné à son tour : la doctrine du salut par la grâce<br />

est-elle raisonnable ? la croyance <strong>au</strong> péché originel est-elle raisonnable ? Le<br />

protestantisme, comme le catholicisme, est déraisonnable ; ils sont, tous les<br />

deux, <strong>des</strong> impostures humaines, qui ont déformé la loi naturelle, à laquelle les<br />

hommes religieux doivent <strong>au</strong>jourd’hui revenir.<br />

Telle est l’oeuvre que <strong>Les</strong>sing exhuma. Aussi provoqua -t-il un scandale<br />

qui se prolongea sur plusieurs années. Melchior Goetze, pasteur, releva le<br />

défi : l’étroitesse et l’obstination en personne ; l’homme qui avait dénoncé<br />

pour c<strong>au</strong>se d’impiété même ses collègues, même ses amis ; bref, un adversaire<br />

de taille, pour lequel <strong>Les</strong>sing avait une certaine estime, parce qu’il était<br />

l’Intransigeance. Goetze invoqua contre lui la vindicte du monde chrétien,<br />

demanda châtiment pour le blasphémateur ; et <strong>Les</strong>sing continuait. Sermons,<br />

pétitions, brochures, livres, injures, menaces, ne faisaient que l’exciter : « J’ai<br />

publié ces Fragments et je les publierai encore, dussent tous les Goetze du<br />

monde me damner jusqu’<strong>au</strong> fond de l’enfer. »<br />

Et cependant, même lorsqu’il prenait cette attitude p.416 exaspérée, il ne se<br />

croyait pas l’adversaire de la religion en tant que telle. Il continuait à mépriser<br />

les plaisantins qui tournaient en ridicule les choses sacrées ; la p<strong>au</strong>vre ruse de<br />

ceux <strong>des</strong> philosophes qui, par le biais de la superstition, s’en prenaient à la

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