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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 168<br />

qu’à moitié sa <strong>pensée</strong>, pour la laisser deviner. Enfin je vous parlerais de<br />

toutes les différentes façons de montrer de l’esprit, si j’en avais davantage.<br />

Le sens poétique n’était pas le fort de cette littérature -là. En vérité, elle<br />

exigeait la prose ; et en fait, elle créait une prose nouvelle. Brisant la phrase à<br />

l’ancienne, qu’elle trouvait lourde même chez les prédécesseurs qui avaient su<br />

la manier en maîtres ; écartant les comparaisons, les images, les métaphores<br />

comme pour dépouiller les idées de tout ce qui n’était pas elles -mêmes ;<br />

débarrassant le vocabulaire <strong>des</strong> mots incertains, inexacts, douteux, elle<br />

in<strong>au</strong>gurait une forme immédiatement reconnaissable à sa simplicité idéale,<br />

une manière alerte, toujours directe, toujours rapide, qui excluait les contresens<br />

dus à l’ambiguïté <strong>des</strong> termes, <strong>au</strong>x surcharges du style. Elle allait à son<br />

but, rapide, supprimant quelquefois les liaisons superflues, les coordinations<br />

trop lentes, voire les termes intermédiaires qui ne sont utiles qu’<strong>au</strong>x<br />

lourd<strong>au</strong>ds. Elle était si dépouillée, qu’en l’admirant on avait peine à trouver<br />

les motifs de cette admiration, et qu’on devait se contenter de répéter qu’elle<br />

était parfaite. Servante docile d’une <strong>pensée</strong> claire ; intermédiaire qui ne<br />

trahissait point ; à peine un intermédiaire, tant elle était exactement conforme<br />

à l’esprit d’analyse qu’appliquait à toute chose « le <strong>siècle</strong> fortuné de la<br />

philosophie » . En France, la prose devenait la limpidité même ; et trop<br />

limpide peut-être, ç’eût été son déf<strong>au</strong>t si elle en avait comporté un, elle<br />

commençait à manquer de couleurs. En Allemagne s’accomplissait le travail<br />

qui devait aboutir à la densité et à la vigueur du style de <strong>Les</strong>sing. p.229 En Italie<br />

c’était la guerre : <strong>des</strong> novateurs ne craignaient pas de transformer leurs<br />

phrases à la mode de Paris, de charger leur vocabulaire de gallicismes : les<br />

puristes appelaient le châtiment du ciel sur ces impies. Et ces impies<br />

exagéraient, assurément ; et les puristes exagéraient de leur côté ; par leur<br />

effort contradictoire et conjugué, en Italie comme dans toute l’Europe, naissait<br />

la prose moderne.<br />

<strong>La</strong> littérature du plaisir social.<br />

D’<strong>au</strong>tres époques s’intéresseront à l’indivi du en ce qu’il a<br />

d’incommunicable ; celle-ci s’intéresse à ce qu’il a de commun avec ses<br />

frères. Elle croit que les ressemblances entre les hommes viennent de la<br />

nature, que les différences viennent de la coutume, et que la supériorité de la<br />

nature sur la coutume éclate par ce seul droit d’antériorité. Elle s’attache donc<br />

à étudier ce qui unit, non pas ce qui distingue ; elle souligne les traits par<br />

lesquels les Égyptiens et les Perses entraient déjà dans notre collectivité, non<br />

pas ceux qui les tenaient à l’écart d’elle ; les traits par lesquels les Hottentots<br />

ont une psychologie comme la nôtre, et non pas les marques singulières qui<br />

les rendent spécifiquement <strong>des</strong> Hottentots. Resserrer le lien social, c’est une<br />

<strong>des</strong> fonctions de la littérature. Amélie, duchesse de Weimar, disait de<br />

Wieland : « Autant il fait voir par ses écrits qu’il connaît le coeur humain en<br />

général, <strong>au</strong>ssi peu connaît-il le détail du coeur humain, et les individus. » Le

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