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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 172<br />

Mais il y a un sens qu’il n’acquiert pas, celui de la profondeur ; la frivolité ne<br />

lui paraît pas incompatible avec sa gravité, et il a pour la première une<br />

tendresse qu’il avoue. Il écrit à Christian Ludwig Liscow, le 28 décembre<br />

1739 : « <strong>Les</strong> lumières de la volupté sont les seules qui vous manquent. Avec<br />

elles, vous seriez un homme parfait. »<br />

Il y a une Italie sérieuse et volontaire, qui avec l’aide de ses penseurs<br />

élabore une réforme économique, une réforme rurale. Et en même temps, tout<br />

un petit peuple s’occupe à fabriquer <strong>des</strong> vers de pacotille, à confectionner <strong>des</strong><br />

riens. Noces, naissances, baptêmes, une prise de voile, un examen<br />

heureusement subi, une guérison, un anniversaire, sont les minces sujets qui le<br />

provoquent à écrire ; le pays est inondé d’élégies et de cantates, d’o<strong>des</strong> et de<br />

sonnets ; une facilité désolante porte les oisifs à prendre la plume et à laisser<br />

couler <strong>des</strong> poèmes ; ils s’amusent à composer <strong>des</strong> quatrains ou <strong>des</strong> octaves,<br />

comme on s’amuse en France à parfiler ou à jouer <strong>au</strong> bilboquet.<br />

A M. le Marquis Pier Maria della Rosa, qui, bien que l’<strong>au</strong>tomne fût venu,<br />

continuait à vivre à la campagne. — Pour une épingle qui fermait un voile sur<br />

la poitrine de Nérée, p.234 et que Filinde a enlevée. — A une aimable Nymphe,<br />

qui s’habillait d’une jupe rose et d’un corsage b leu. — Sur le très be<strong>au</strong> canari<br />

de Crinatée. — En envoyant une jolie petite chienne à sa Dame... Be<strong>au</strong>x<br />

sujets ! On offrait une petite ode, composée le matin, comme on offrait une<br />

prise de tabac ou une dragée ; on échangeait <strong>des</strong> vers, comme <strong>des</strong><br />

compliments ou <strong>des</strong> révérences : gestes rituels d’une société dont les mem bres<br />

ressemblaient à <strong>des</strong> acteurs de théâtre, avec leur poudre et leur fard, avec leurs<br />

entrées et leurs sorties à moments fixés, avec leurs répliques, avec leurs rôles.<br />

Poètes en titre, et qui tiraient leur subsistance incertaine de leur métier de<br />

courtisan ; poètes amateurs, qui pour rien <strong>au</strong> monde n’<strong>au</strong>raient cédé leur petite<br />

place dans le cortège qui tentait l’ascension du Parnasse ; poétesses : tout le<br />

monde rimait. On se faisait imprimer sur du be<strong>au</strong> papier, du vélin, sur de la<br />

soie couleur de rose : on réunissait ces chefs-d’oeuvre, en souriant : <strong>La</strong>grime<br />

in morte di un gatto, <strong>La</strong>rmes sur la mort d’un chat. <strong>Les</strong> Anacréons et les<br />

Horaces posthumes ne foisonnaient pas moins qu’en Allemagne ; seulement,<br />

ils se faisaient moins d’illusion. « Que suis-je ? » se demandait Frugoni, qui<br />

était un <strong>des</strong> représentants de ces éphémères. « Un versificateur, et rien de<br />

plus ; non pas un poète. » Il savait bien que quand il mourrait, ses vers<br />

mourraient avec lui, dans l’oubli :<br />

i versi miei<br />

Tutti col mio morire<br />

Sconosciuti morranno.<br />

C’est qu’il fallait jouir, du moins, de cette vie terrestre ; c’est qu’un<br />

agrément, si fragile qu’on le supposât, n’était pas à dédaigner puisqu’il rendait<br />

l’existence plus douce ; c’e st que <strong>des</strong> accords fugitifs entraient pour leur part<br />

dans la symphonie heureuse qui devait s’élever de la terre. C’est<br />

qu’Anacréon, comme dit Gleim, chassait les soucis et les alarmes ; c’est

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