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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 209<br />

incomparable habileté dialectique, fournissait ses preuves. Nous ne pouvons<br />

conclure de nos perceptions à l’existence d ’objets extérieurs ; car de ces<br />

perceptions seulement nous sommes certains. Une chaleur excessive nous<br />

brûle et nous fait souffrir : irons-nous dire que la souffrance est dans le corps<br />

dont le contact nous a brûlés ? Nous trouvons que le sucre est doux, que<br />

l’absinthe est amère : irons-nous dire que la douceur est dans le sucre, et<br />

l’amertume dans l’absinthe ? Ces sensations sont en nous-mêmes ; elles<br />

changent lorsque nous tombons mala<strong>des</strong>. De même pour les odeurs : de même<br />

pour les sons : irons-nous dire du mouvement de l’air frappant notre tympan<br />

qu’il est aigu ou qu’il est grave ? De même pour les couleurs : nous savons<br />

bien que les objets n’ont pas la couleur que nous leur prêtons, j<strong>au</strong>nes quand<br />

nous avons la j<strong>au</strong>nisse.<br />

En vain Hylas se rebellait, et cherchait <strong>des</strong> arguments capables de réduire<br />

son interlocuteur <strong>au</strong> silence. Être, c’est percevoir et être perçu ; rien de plus.<br />

Un verbalisme, un vieil usage, <strong>des</strong> fantaisies déraisonnables, nous poussent à<br />

trouver un substratum <strong>au</strong>x qualités qui ne sont qu’en nous ; avouons plutôt<br />

notre erreur. Nous avons reconnu, une fois pour toutes, que nous n’avons<br />

<strong>au</strong>cune idée, soit positive, soit relative, de la matière ; nous ignorons, <strong>au</strong>ssi<br />

bien ce qu’elle est en soi que les relations qu’elle peut avoir avec l’accident ;<br />

dès lors ne sortons point <strong>des</strong> bornes que nous avons nous-mêmes fixées. Ou<br />

comme disait Hylas, à la fin convaincu : conservons à la rigueur l’expression<br />

à laquelle nous sommes accoutumés depuis si longtemps, la matière ; mais en<br />

précisant ce qu’elle veut dire : il n’y a point de matière, si on entend par là une<br />

substance <strong>des</strong>tituée de <strong>pensée</strong> et existant hors de l’esprit ; il y a une matière, si<br />

on entend par ce mot quelque chose de sensible, dont l’existence consiste à<br />

être perçue.<br />

Doucement obstiné, Berkeley l’i déaliste, après avoir essayé de fonder,<br />

dans le Nouve<strong>au</strong> Monde, un séminaire où jeunes Anglais et jeunes Américains<br />

voisineraient pour le plus grand bien de la religion chrétienne, après être<br />

revenu en Europe, après avoir été nommé évêque de Cloyne en Irlande, sa<br />

patrie, poursuivait sa démonstration. En 1740, dans Siris, ou Réflexions et<br />

recherches philosophiques sur les vertus de l’e<strong>au</strong> de goudron et différents<br />

<strong>au</strong>tres sujets connexes entre eux et naissant l’un de l’<strong>au</strong>tre, il s’élevait<br />

jusqu’<strong>au</strong>x plus h<strong>au</strong>tes c imes, d’où p.285 il contemplait avec ravissement la<br />

be<strong>au</strong>té de l’Univers -Esprit. Il révélait la vertu de l’e<strong>au</strong> de goudron, dont il<br />

avait appris, là-bas, chez les s<strong>au</strong>vages, la merveilleuse puissance, et qui guérissait<br />

tous les m<strong>au</strong>x, <strong>au</strong>ssi bien la corruption du sang que l’ulcération <strong>des</strong><br />

entrailles, <strong>au</strong>ssi bien les toux consomptives que l’érésypèle, les affections<br />

cachectiques et hystériques, la gravelle et l’hydropisie, la gangrène et le<br />

scorbut, la petite vérole, la goutte et les fièvres ; chez tous, enfants et<br />

vieillards, hommes et femmes, marins et sédentaires. Du goudron il passait<br />

<strong>au</strong>x sels volatils que celui-ci contient, <strong>des</strong> sels volatils à l’air, de l’air à l’éther,<br />

de l’éther à la Sagesse qui le distribue, feu pur, feu invisible : car on ne s<strong>au</strong>rait<br />

faire un seul pas dans l’expli cation <strong>des</strong> phénomènes sans admettre la présence

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