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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 41<br />

Le mouvement qui entraîne l’ Istoria civile est passionné ; le ton est amer ;<br />

le procédé habituel est la répétition : Politica ecclesiastica, Monaci e bene<br />

temporali : vous le voyez, s’écrie Giannone, à travers les <strong>siècle</strong>s l a politique<br />

ecclésiastique reste la même, à travers les <strong>siècle</strong>s les moines tendent à<br />

s’emparer <strong>des</strong> biens temporels ; <strong>des</strong> arguments identiques sont repris avec une<br />

fureur accrue. Le reste d’attachement à l’Église que gardent quelquefois ceux<br />

qui prétendent faire son salut malgré elle disparaissait dans ces diatribes ; et<br />

Giannone, défenseur de l’État, devenait un iconoclaste qui s’enivre de sa<br />

fureur. On le voyait à la façon dont il parlait <strong>des</strong> images saintes, <strong>des</strong> reliques,<br />

<strong>des</strong> pèlerinages, <strong>des</strong> miracles <strong>au</strong>ssi ; à sa haine du clergé régulier ; à son<br />

mépris de la hiérarchie ; à l’ironie qui était son moyen de défense contre les<br />

attaques dont il était l’objet : pour p.58 complaire à ses contradicteurs, il croirait<br />

désormais que le Pape était le maître du monde entier, et qu’il avait le droit de<br />

se servir de tous les moyens, tels qu’amen<strong>des</strong>, emprisonnements, cachots,<br />

relégations, exil, afin d’assurer le salut éternel du genre humain ; il croirait<br />

que l’<strong>au</strong>torité pontificale ne se limi tait pas à la surface de la terre et de la mer,<br />

mais s’étendait à l’enfer, <strong>au</strong> purgatoire, <strong>au</strong> paradis, de sorte que dans les<br />

roy<strong>au</strong>mes célestes elle pouvait commander <strong>au</strong>x anges...<br />

Pietro Giannone continuait à défendre sa thèse, indomptable. Non sans<br />

péril ; non sans déchaîner les persécutions <strong>des</strong> puissances qu’il bravait,<br />

multipliant les écrits polémiques, voulant s<strong>au</strong>ver l’ Istoria civile et la répandre,<br />

attaquant toujours. Excommunié pour un temps, mis à l’Index, il s’était<br />

réfugié à Vienne, où il avait trouvé un abri <strong>au</strong>près de l’Empere ur, dont il<br />

soutenait les prérogatives. Mais lorsqu’en 1734 Naples cessa d’appartenir à<br />

l’Autriche et que l’Empereur cessa du même coup de s’intéresser à Giannone,<br />

celui-ci se mit en tête de revenir en Italie. Il arrive à Venise, d’où il est<br />

expulsé ; à Milan, d’où on le chasse. Alors il se rend à Genève, où il est bien<br />

accueilli. <strong>La</strong> maison de Savoie, estimant que son séjour dans cette dernière<br />

ville était dangereux par contagion, l’attire dans un piège : à l’appel d’un<br />

homme qu’il croyait être de ses amis, il se rend dans un village piémontais, et<br />

la nuit même de son arrivée, on l’arrête. On l’enferme, on le transfère de<br />

prison en prison ; et il meurt dans la citadelle de Turin, en 1748.<br />

Or il a laissé un manuscrit, non publié de son vivant, et dont le contenu<br />

achève de caractériser sa <strong>pensée</strong>. Il Triregno : « les trois règnes ». Il y a eu <strong>au</strong><br />

monde trois roy<strong>au</strong>mes successifs, le premier étant celui de la terre. Car elle<br />

était toute terrestre, la civilisation hébraïque et ses croyances n’impliquaient<br />

<strong>au</strong>cune idée de survie, <strong>au</strong>cun espoir d’immortalité. Moïse n’avait promis à<br />

ceux qui obéiraient à sa loi que <strong>des</strong> récompenses matérielles, fertilité <strong>des</strong><br />

champs, abondance <strong>des</strong> troupe<strong>au</strong>x, santé, prospérité ; il n’avait nullement<br />

conçu l’âme comme devant échapper <strong>au</strong>x pris es de la mort. <strong>Les</strong> Égyptiens<br />

avaient fourni <strong>au</strong>x Grecs, race ingénieuse, les imaginations que ces derniers<br />

devaient se plaire à développer, sur les marais stygiens, sur l’Achéron, sur les<br />

Champs-Élysées ; et dans ce développement même ne se trouvait encore<br />

qu’une continuation figurée les choses de la terre. Vint ensuite le roy<strong>au</strong>me<br />

céleste. <strong>Les</strong> Évangiles nous disent comment Dieu a envoyé son Verbe dans le

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