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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 150<br />

l’inven taire du connu, et, pour cela, tout examiner, tout remuer sans exception<br />

et sans ménagement ; fouler <strong>au</strong>x pieds les vieilles puérilités, renverser les<br />

idoles que désapprouvait la raison ; et <strong>au</strong> contraire, mettre un signe glorieux<br />

sur les valeurs modernes.<br />

<strong>Les</strong> enfants du <strong>siècle</strong> voulaient être libres ; et ainsi leur oeuvre ne serait<br />

pas le fait du prince, ne ressemblerait pas à ces entreprises officielles qui se<br />

traînent si lentement qu’elles sont en retard sur l’évolution <strong>des</strong> croyances ; la<br />

leur ne devrait rien à un gouvernement donné. Elle se passerait <strong>des</strong> concours<br />

de toute Académie, une Académie n’étant jamais qu’un groupe étroit ; seuls,<br />

un sentiment de bienveillance réciproque et l’intérêt général uniraient les<br />

collaborateurs. <strong>Les</strong> enfants du <strong>siècle</strong> ne voulaient pas être <strong>des</strong> amuseurs, <strong>des</strong><br />

dilettantes : <strong>au</strong>ssi l’ Encyclopédie ne contiendrait-elle rien de superflu, rien de<br />

suranné ; tout y serait en action, et vivant ; on ne se contenterait même pas<br />

d’expliquer et de décrire, <strong>des</strong> gravures et <strong>des</strong> planches montreraient les formes<br />

concrètes du travail incessant qui crée la civilisation. <strong>Les</strong> enfants du <strong>siècle</strong><br />

voulaient être <strong>des</strong> constructeurs ; ils ne se laisseraient pas détourner de leur<br />

but en s’attardant dans le passé, voire même en dénon çant une à une les<br />

erreurs historiques, comme avait fait Bayle ; bien plutôt travailleraient-ils à<br />

l’assemblage <strong>des</strong> matéri<strong>au</strong>x nécessaires à la Cité. <strong>Les</strong> enfants du <strong>siècle</strong><br />

seraient fidèles à leurs dieux, la raison, la nature : « Aujourd’hui que la<br />

philosophie s’avance à grands pas, qu’elle soumet à son empire tous les objets<br />

de son ressort, que son ton est le ton dominant, et que l’on commence à<br />

secouer le joug de l’<strong>au</strong>torité et de l’exemple pour s’en ten ir <strong>au</strong>x lois de la<br />

raison, il n’y a presque pas un ouvrage élémentaire et dogmatique dont on soit<br />

entièrement satisfait. On trouve ces productions calquées sur celles <strong>des</strong><br />

hommes, et non sur les vérités de la nature. On ose proposer <strong>des</strong> doutes à<br />

Aristote et à Platon, et le temps est arrivé où les ouvrages qui jouissent encore<br />

de la plus h<strong>au</strong>te réputation en perdront une partie, ou même tomberont<br />

entièrement dans l’oubli... Tel est l’effet du progrès de la raison. » <strong>Les</strong> résultats<br />

seraient grands. Car personne ne pourrait contester, d’une p.205 part, que le<br />

Dictionnaire universel ne fût <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> du temps ; et de l’<strong>au</strong>tre, si tous les<br />

livres venaient à disparaître dans quelque cataclysme et qu’il restât, rien ne<br />

serait perdu, le savoir humain serait s<strong>au</strong>vé.<br />

Avant cette claire notion de leur idéal ; rassemblant les connaissances<br />

éparses sur la surface de la terre, pour en exposer le système général à leurs<br />

contemporains, le transmettre à ceux qui les suivraient, de façon que leurs<br />

petits-neveux, devenant plus instruits, devinssent plus vertueux et plus heureux<br />

: loin d’être effrayés par l’ampleur de la besogne, ils s’enivraient à l’idée<br />

de cette vendange infinie. D’où l’enthou siasme <strong>des</strong> débuts, les proclamations<br />

hardies, les promesses, l’appel lancé à ceux qui c omptaient dans la république<br />

<strong>des</strong> lettres et <strong>des</strong> sciences ; ce n’est pas l’amour de l’argent qui anime Diderot<br />

et d’Alembert qu’il s’associe, quand ils se mettent à la tête de l’entreprise :<br />

bien plutôt dirigent-ils une croisade, la croisade de la philosophie. D’où cette<br />

grande attente et ce frémissement, lors de la publication du prospectus, <strong>au</strong>

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