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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 135<br />

remplir les devoirs. Ils ne peuvent s’en dispenser par <strong>au</strong>cune association parti -<br />

culière. Lors donc qu’ils s’unissent en société ci vile pour former un État, une<br />

nation à part, ils peuvent bien prendre <strong>des</strong> engagements particuliers envers<br />

ceux avec qui ils s’asso cient, mais ils demeurent toujours chargés de leurs<br />

devoirs envers le genre humain 1. »<br />

p.185 Certes, l’existence <strong>des</strong> nations , créant <strong>des</strong> intérêts nouve<strong>au</strong>x, avait<br />

produit <strong>des</strong> conflits d’intérêts, <strong>au</strong>trement graves que ceux qui opposaient les<br />

individus <strong>au</strong>x individus ; elle avait produit la guerre. Guerres éternelles ; un<br />

ruisse<strong>au</strong> de sang coulait à travers l’histoire. Et plus la c ollectivité devenait<br />

puissante et résolue, plus volontiers elle recourait <strong>au</strong>x armes pour imposer sa<br />

loi ; guerres de religion, qui avaient jeté les unes contre les <strong>au</strong>tres toutes les<br />

nations de l’Europe, ensemble ou tour à tour ; guerres de conquêtes, qui<br />

avaient opposé l’Europe à l’Asie, à l’Afrique. Quand on faisait le compte de<br />

ces massacres continus, on éprouvait un sentiment de tristesse, de dégoût, de<br />

désespoir.<br />

Pourtant ce n’était pas un mal incurable ; et précisément il appartiendrait<br />

<strong>au</strong> <strong>siècle</strong> <strong>des</strong> lumières de l’atténuer, de le réduire, de le faire disparaître de la<br />

surface du monde. Il n’était, comme tous les m<strong>au</strong>x, que le résultat d’une<br />

erreur ; l’erreur dissipée, il cesserait de lui -même, ou peu s’en f<strong>au</strong>t. <strong>Les</strong><br />

nations, elles <strong>au</strong>ssi, comprendraient mieux leur intérêt véritable puisqu’elles<br />

s’éclairaient, qu’elles remontaient <strong>des</strong> effets <strong>au</strong>x c<strong>au</strong>ses, qu’elles découvraient<br />

la c<strong>au</strong>se de leur longue inimitié ; elles ne se laisseraient plus tromper par les<br />

préjugés qui avaient armé <strong>des</strong> mains fraternelles. Bientôt allait luire l’<strong>au</strong>be de<br />

la grande paix.<br />

Leibniz était vieux, Leibniz était las, lorsqu’il lut le Projet pour rendre la<br />

paix perpétuelle en Europe, de l’abbé de Saint Pierre 2. Faire régner la paix en<br />

Europe, voilà ce qu’il avait tenté, voilà ce qui éta it demeuré l’un de ses rêves<br />

vains. Le projet de l’abbé n’était pas tout à fait hors de ses objets, puisqu’il<br />

s’était appliqué dès sa jeunesse <strong>au</strong> droit, et particulièrement à celui <strong>des</strong> gens.<br />

Mais quoi ? <strong>La</strong> volonté manquait <strong>au</strong>x hommes pour se délivrer d’une infinité<br />

de m<strong>au</strong>x. Quel prince, ou seulement quel ministre, avait voulu l’entendre ?<br />

L’espérance de faire passer la monarchie d’Espagne dans la maison de France<br />

avait été la source de cinquante ans de guerre, et il était à craindre que<br />

l’espérance de l’en faire ressortir ne troublât l’Europe pendant cinquante<br />

<strong>au</strong>tres années. Toutes les tentatives antérieures avaient échoué, la sienne <strong>au</strong>ssi.<br />

Un p.186 droit <strong>des</strong> gens s’était établi entre les chrétiens latins, et les<br />

jurisconsultes avaient raisonné sur ce pied-là, jadis ; les Papes passaient pour<br />

les chefs spirituels, et les Empereurs pour les chefs temporels de la Société<br />

1 Emmerich de Vattel, ibid.<br />

2 OEuvres de Leibniz, Édition Foucher de Careil, 1862. Tome IV : Observations sur le projet<br />

d’une paix perpétuelle de M. l’abbé de Saint Pie rre, revu d’après le manuscrit de la<br />

bibliothèque royale de Hanovre.

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