17.08.2013 Views

La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 330<br />

Gesändigt hat das stolze Wien,<br />

Und Deutschland frei gemacht...<br />

« Quand Frédéric, ou Dieu par lui — a accompli la grande oeuvre — il a<br />

dompté la fière Vienne — et rendu libre l’Alle magne... »<br />

Mais ce vainqueur, allemand, de quelle langue se sert-il le plus volontiers,<br />

sinon du français ? dans quelle langue compose-t-il ses écrits, sinon en<br />

français ? Il f<strong>au</strong>t que sur ce point <strong>au</strong>ssi — le dernier — clarté se fasse.<br />

1779. p.445 Frédéric II, Lettres sur l’amour de la patrie, ou correspondance<br />

d’Anapistémon et de Philopatros.<br />

Le roi est inquiet de certaines tendances de ses alliés les philosophes, il va<br />

s’expliquer sans ambiguïté possible. Anapis témon a été reçu chez son ami<br />

Philopatros ; rentré chez lui, il le remercie de ce séjour heureux. Il a eu avec<br />

lui, le dernier soir, une conversation sur les liens de la société et sur les<br />

devoirs de ceux qui la composent. Il n’avait jamais réfléchi sur ce grave sujet :<br />

Philopatros voudra-t-il, par lettre, le mieux renseigner ?<br />

Ainsi Philopatros fait la leçon à Anapistémon le sceptique, l’épicurien, le<br />

cosmopolite. Il reprend les arguments habituels qui tendent à prouver que le<br />

bien de l’abeille ne s<strong>au</strong>rait se dissocier de celui de la ruche ; mais l’essentiel<br />

pour nous est qu’il substitue, à l’idée vague de société, l’idée précise de patrie.<br />

« Est-il possible qu’on aime véritablement sa patrie ? » demande<br />

Anapistémon ; « ce soi-disant amour n’<strong>au</strong>rait -il pas été inventé par quelque<br />

philosophe ou par quelque rêve-creux de législateur, pour exiger <strong>des</strong> hommes<br />

une perfection qui n’est pas à leur portée ? Comment voulez-vous qu’on aime<br />

le peuple ? Comment se sacrifier pour le salut d’une province appartenant à<br />

notre monarchie, lors même qu’on n’a jamais vu cette province ? Tout cela se<br />

réduit à m’expliquer comment il est possible d’aimer avec ferveur et avec<br />

enthousiasme ce que l’on ne connaît pas du tout ». Et Philopatros, qui est<br />

Frédéric II lui même :<br />

Le bien de la société est le vôtre. Vous êtes si fortement lié avec votre<br />

patrie, sans le savoir, que vous ne pouvez ni vous isoler ni vous séparer d’elle<br />

sans vous ressentir vous-même de votre f<strong>au</strong>te. Si le gouvernement est heureux,<br />

vous prospérerez ; s’il souffre, le contenu de son infortune rejaillira sur<br />

vous... L’amour de la patrie n’est donc pas un être de raison, il existe<br />

réellement.<br />

Anapistémon résiste. Il a entendu parler d’un Encyclo pédiste, qui a<br />

professé que la terre était l’habitation commune <strong>des</strong> êtres de notre espèce, que<br />

le sage était le citoyen du monde, et qu’il était partout également bien. Un<br />

homme de lettres a tenu devant lui les mêmes propos, qui l’ont séduit : n’est -il<br />

pas be<strong>au</strong> de cesser d’êt re le membre obscur d’un petit État, pour devenir partie<br />

de l’Univers ?

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!