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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 270<br />

ternelles, l’i dée que le monde dégénérait, l’idée que le monde progressait 1. Le<br />

même héros, la même héroïne, sans se sentir déchirés, allaient vers une nature<br />

heureuse et disparue, vers une nature heureuse et encore à venir.<br />

Mais ce n’est pas dans ces régions obscures ; c’est à la pleine lumière du<br />

jour et en grand appareil que Physis et Anti-Physis s’affrontaient ; et qu’<strong>au</strong><br />

moment où Physis emportait la victoire dans le sentiment de l’Europe,<br />

Anti-Physis s’impo sait à son action.<br />

Vers le milieu du <strong>siècle</strong>, en effet, un grand changement se produisait dans<br />

l’économie politique. Au mercantilisme allait succéder la physiocratie. Le<br />

mercantilisme n’avait pas mis moins de trois <strong>siècle</strong>s à épuiser sa force ; il<br />

s’était installé, avait recueilli l’adhésion <strong>des</strong> gouvernements, trou vé un grand<br />

ministre, Colbert, qui l’avait appliqué par système, suscité enfin <strong>des</strong><br />

théoriciens qui l’avaient mis en formules. L’enri chissement national ne<br />

pouvait venir que d’une politique adroite <strong>des</strong> mét<strong>au</strong>x précieux ; en<br />

conséquence, la conquête de p.367 ces mét<strong>au</strong>x devait être confiée à l’État ;<br />

celui-ci favoriserait l’exportation, réduirait l’importation, de façon que la<br />

balance du commerce lui fût profitable ; tout le monde ne pouvant gagner à la<br />

fois, il prendrait toutes mesures nécessaires pour entrer dans une concurrence<br />

victorieuse avec ses voisins, et établirait sur eux son hégémonie. Or c’en était<br />

fait ; l’équipe <strong>des</strong> mercantilistes, Melon, Dutot, Véron de Forbonnais, et leurs<br />

Essais et leurs Réflexions sur le commerce, cédait la place à une <strong>au</strong>tre,<br />

Gournay, Quesnay, Mirabe<strong>au</strong>, Turgot, Lemercier de la Rivière ; et celle-ci,<br />

savante, éloquente, animée de la foi <strong>des</strong> prosélytes, défendait à la fois une<br />

nouvelle pratique et une nouvelle philosophie. Elle exaltait Physis. Assez<br />

longtemps on avait cru que l’or et l’argent constituaient la richessse ; la terre,<br />

et la terre seule, possédait une vertu productrice. L’industrie était stérile, parce<br />

que précaire, transférable à l’étranger, toujours menacée par quelque change -<br />

ment ; même prospère, était un travail de seconde main, ne faisant jamais que<br />

transformer ce que fournit la terre. Stérile, le commerce, ne faisant jamais que<br />

transférer ce que fournit la terre. Stérile, le revenu <strong>des</strong> capit<strong>au</strong>x, n’étant jamais<br />

qu’un prélèvement onéreux et abusif. Au contraire, la terre créait, et créait<br />

annuellement ; la puissance qui multipliait ses richesses était l’agriculture. <strong>La</strong><br />

prospérité du monde venait de la propriété foncière ; sur ce principe devaient<br />

s’organiser la poli tique, la morale, la pédagogie même : le tout.<br />

Le mercantilisme portait de préférence la marque anglaise, la physiocratie<br />

la marque française : <strong>au</strong>ssi cette dernière était-elle une idéologie. Toutes les<br />

idées que nous avons montrées en circulation, le libéralisme qui laisse agir les<br />

lois par elles-mêmes avec un minimum de contrainte, le <strong>des</strong>potisme éclairé<br />

qui, étant éclairé, opère dans le sens de la raison, le caractère sacré de la<br />

1 A Documentary History of Primitivism and related Ideas. Vol. I, Primitivism and related<br />

Ideas in Antiquity, by Arthur O. Lovejoy, George Boas. Baltimore, 1935. — Primitivism<br />

and related Ideas in English Popular Literature of the Eighteenth Century, by Lois<br />

Withney, Baltimore, 1934.

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