La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 51<br />
intéresse le bien public et le bonheur <strong>des</strong> hommes. Si j’examine l’histoire <strong>des</strong><br />
peuples les plus anciens, je trouve partout <strong>des</strong> notions simples et communes,<br />
tant à l’égard de la ve rtu qu’à l’égard de ce qu’on appelle Dieu. Dieu se<br />
manifeste par la nature et par la révélation : une seule et même vérité fait<br />
l’accord de l’une et de l’<strong>au</strong>tre ; entre l’une et l’<strong>au</strong>tre, il ne s<strong>au</strong>rait y avoir de<br />
contradiction ou de différence : si la révélation contredisait la loi de nature ou<br />
différait d’elle, elle serait hors de la vérité. De même la vertu est d’une espèce<br />
unique, et elle se réduit à p.72 un commandement qui n’a jamais changé : tu<br />
aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur et de toute ton âme et de toute<br />
ta force et de toute ta <strong>pensée</strong>, et ton prochain comme toi-même... » Rien de<br />
substantiellement nouve<strong>au</strong> dans cette façon de raisonner ; quelque déiste <strong>des</strong><br />
bords de la Tamise ou de la Seine pourrait signer.<br />
Mais ce que nous n’avons pas vu , ce que nous ne pouvons voir d’ailleurs,<br />
c’est le patient travail d’érudits qui examinent le texte de l’Écriture, et qui<br />
vont toujours s’éloignant de la conception orthodoxe de la Révélation. Que de<br />
fils de pasteurs, après avoir suivi les cours de l’écol e secondaire voisine de<br />
leur village, après s’être inscrits à l’Université, devenus docteurs et<br />
professeurs, ont demandé à l’exégèse de confirmer ou de détruire leur<br />
conviction ! Ils savaient l’hébreu ; ils savaient par surcroît quelques <strong>au</strong>tres<br />
langues orientales ; ils écrivaient <strong>des</strong> dissertations, <strong>des</strong> thèses, de gros<br />
volumes faits pour les spécialistes, leurs frères. Point de défaveur jetée a<br />
priori sur la religion ; <strong>au</strong> contraire, un respect constant, une nostalgie ; voire<br />
même l’espérance que devant la mu ltiplication <strong>des</strong> dissidents et le progrès <strong>des</strong><br />
impies, la raison fournirait un principe d’arbitrage qui ramènerait à l’unité<br />
perdue.<br />
C’est l’Aufklärung <strong>des</strong> Universités alleman<strong>des</strong>, plus savante, plus<br />
modérée que la rébellion anglaise, dont ils acceptent certains principes mais<br />
dont ils désapprouvent les fureurs ; moins irrévérencieuse que celle <strong>des</strong><br />
Français, dont ils acceptent le concours mais dont l’esprit et les plaisanteries<br />
leur semblent de m<strong>au</strong>vais aloi. Siegmund Jacob B<strong>au</strong>mgarten devient en 1730<br />
professeur adjoint, en 1743 professeur ordinaire de théologie à l’Université de<br />
Halle ; les étudiants l’écou tent, non pour le charme de son enseignement, car<br />
son débit est monotone, sa voix est faible, ses cours sont fatigants à suivre ;<br />
mais pour la dignité de sa personne et pour la prodigieuse étendue de son<br />
érudition. Il est entre le piétisme et le rationalisme ; comme Wolff, il le<br />
prononce avec délices, ce mot « raison » qui doit lui donner la clef du pur<br />
christianisme : je m’adresse, dit -il, <strong>au</strong>x lecteurs raisonnables et chrétiens. Il<br />
professe, puis il écrit une Histoire de l’Église : et que doit-elle être, sinon<br />
« une narration qui s’appuie sur <strong>des</strong> textes » ? Le texte tel qu’il est, et non pas<br />
tel qu’on suppose qu’il doit être, voilà sa loi. Sans aller ju squ’à la prédilection<br />
que p.73 Gotttried Arnold avait marquée pour les hérétiques, du moins il<br />
manifeste pour eux un intérêt constant. Il écrit leur histoire, <strong>au</strong>ssi : Esquisse<br />
d’une histoire <strong>des</strong> partis religieux, ou <strong>des</strong> sociétés <strong>au</strong> service de Dieu, de