La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 291<br />
l’<strong>au</strong>teur de ce bâtiment. » Depuis ce temps-là, j’ai résolu de ne jamais<br />
disputer 1 . » Si vous dites qu’à votre avis, le déisme a une valeur universelle,<br />
vous resterez dans l’abstraction ; mais vous serez concret, et pittoresque, si<br />
vous écrivez : « Je consultai tous les passages par lesquels on prouve<br />
évidemment que tous ceux qui n’avaient pas demeuré dans le quartier de la<br />
Sorbonne, comme par exemple les Chinois, les Indiens, les Scythes, les Grecs,<br />
les Romains, les Germains, les Africains, les Américains, les blancs, les noirs,<br />
les j<strong>au</strong>nes, les rouges, les têtes à laine, les têtes à cheveux, les mentons barbus,<br />
les mentons imberbes, étaient tous damnés sans miséricorde, comme cela est<br />
juste ; et qu’il n’y a qu’une âme atroce et abominable qui p uisse jamais penser<br />
que Dieu ait pu avoir pitié d’un seul de ces bonnes gens 2 . »<br />
C’est lui, entre tous, qui a fait de la vérité le synonyme de la clarté.<br />
Philosophe, en ce que son art était imprégné de <strong>pensée</strong> ; en ce qu’il se<br />
demandait, sans relâche, p.394<br />
Ce que c’est que l’esprit, l’espace, la matière,<br />
L’éternité, le temps, le ressort, la lumière,<br />
Étranges questions 3 ...<br />
Philosophe, en ce qu’il n’y avait pas de philosophie, loin taine ou proche,<br />
ancienne ou moderne, qui n’excitât sa curio sité et ne lui parût digne<br />
d’attention. Mais si l’on entend par philosophes les <strong>au</strong>dacieux qui osent faire<br />
de leurs hypothèses une création égale à celle de l’univers, ceux qui essaient<br />
de donner à notre prison <strong>des</strong> ouvertures sur l’inconnu et sur l’inouï, ceux qui<br />
nous proposent une explication totale du mystère, alors Voltaire n’appartient<br />
pas à la tribu. Celui qui a prononcé le plus expressément le grand refus de la<br />
métaphysique, c’est toujours lui. Il s’est approché de Spinoza et il a reculé :<br />
Baruch Spinoza, je sais bien que tu as mené une vie exemplaire, quoi qu’en<br />
disent tes calomniateurs ; je sais bien que tu n’as pas été un athée, dans le sens<br />
grossier qu’on attribue d’ordinaire à ce mot ; je sais bien que tu as eu <strong>des</strong> vols<br />
vertigineux ; je refuse cependant de te suivre et je te renie, parce que tu n’es<br />
pas clair. Leibniz, je sais bien que tu as été un génie ; je sais bien que tu as<br />
cherché partout l’harmonie, que tu as vu partout la continuité, que tu n’as pas<br />
craint de t’en prendre <strong>au</strong> mal lui -même, pour l’expliq uer : mais je ne t’aime<br />
pas, et même je dis que tu es un peu ridicule, que tu es un peu charlatan, que<br />
tu ne te comprenais pas toi-même ; je me moque de toi, parce que tu as parlé<br />
<strong>des</strong> perceptions obscures, parce que tes mona<strong>des</strong> ne sont pas claires. Wolff, tu<br />
es volumineux, verbeux, lourd, je refuse de te prendre en considération, bien<br />
que le prince héritier de Prusse te tienne en quelque estime, parce que tu n’es<br />
pas clair. Mais Locke est simple et clair, et donc je m’en tiendrai à la sagesse<br />
de Locke…<br />
1 Dictionnaire philosophique, 1764, Article : Dieu.<br />
2 Seconde anecdote sur Bélisaire, 1767.<br />
3 Deuxième discours sur l’homme, 1739.