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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 301<br />

a-t-il fait d’<strong>au</strong>tres confidences qu’intellectuelles ? a-t-il seulement rêvé ? Il a<br />

aimé cependant, sans confidences et sans rêves ; il a épousé, sur le tard, une<br />

compagne qu’il avait choisie comme la meilleure possible dans une espèce<br />

difficile à comprendre. L’enfant que lui donna Eva König mourut <strong>au</strong> bout de<br />

quelques jours et entraîna sa mère dans la mort. <strong>Les</strong>sing fut déchiré et laissa<br />

entendre une émouvante plainte ; il n’avait pas été p.407 exigeant, il avait<br />

seulement demandé la petite part de bonheur qui était concédée <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres<br />

hommes, et voici que cette part lui était refusée. Mais ce qu’il re grettait<br />

surtout, c’est cette possibilité d’intelligence, apparue <strong>au</strong> monde et disparue. Il<br />

porterait sa croix ; et pour essayer de la rendre moins lourde, il se remettrait à<br />

travailler. Une dose de l<strong>au</strong>danum, faite d’occu pations théologiques et<br />

littéraires, l’aiderait à passer une jour née après une <strong>au</strong>tre ; il redeviendrait ce<br />

qu’il avait été : une raison en marche.<br />

Un de ses amis, Mylius, publiait un journal qui s’appelait Der Freigeist.<br />

Le nom <strong>au</strong>rait pu convenir à <strong>Les</strong>sing lui-même. Il était de la famille <strong>des</strong> libres<br />

esprits.<br />

Mais <strong>Les</strong>sing, s’il porte la marque de son temps, n’est pour tant pas de<br />

ceux qui restent confondus avec l’ensemble du troupe<strong>au</strong> : il commande. A<br />

quelques-unes <strong>des</strong> idées et <strong>des</strong> volontés communes, nous le voyons qui se<br />

rebelle, avec un air de mépris. — Locke, un penseur qui a dit le dernier mot<br />

en philosophie ? Pope, un métaphysicien ? Il h<strong>au</strong>sse les ép<strong>au</strong>les. Ceux-là, il<br />

les laisse <strong>au</strong> pays de Gulliver ; et il fréquente d’<strong>au</strong>tres compagnons, d’une<br />

<strong>au</strong>tre stature : Leibniz, Spinoza. — Sur Wolff il laisse tomber son ironie :<br />

« En général, nous ne manquons point en Allemagne d’ouvrages<br />

systématiques. Choisir quelques définitions reçues, pour en déduire dans le<br />

plus bel ordre tout ce qu’il nous plaît d’établir, c’est un art dans lequel nous<br />

pouvons défier toutes les nations du monde. » Un certain pragmatisme est<br />

nécessaire, d’accord ; lorsque le paralytique reçoit les décharges bienfaisantes<br />

de l’électricité, il ne demande pas si c’est Nollet, si c’est Franklin qui a raison,<br />

ou si ce n’est ni l’un ni l’<strong>au</strong>tre. Mais n’allez pas lui faire croire que pour<br />

expliquer un fait, il suffise de le constater. Vous cherchez à conquérir la<br />

foule ; soit, si tel est votre talent. Toutefois, ceux qui agissent sur ceux qui<br />

agiront sur la foule sont d’une espèce supér ieure. Autre chose est un<br />

éblouissement de brillants, vrais ou f<strong>au</strong>x, <strong>au</strong>tre chose une démonstration<br />

solide qui emporte l’adhésion <strong>des</strong> penseurs. Un homme qui s’est exclu -<br />

sivement occupé de belles-lettres, ou qui a passé tout son temps à jouer de la<br />

flûte, est-il satisfait de lui-même lorsqu’il arrive <strong>au</strong> terme de sa vie, et<br />

pense-t-il franchir le front levé p.408 les portes du tombe<strong>au</strong> ? L’évidence n’a<br />

pas besoin d’être parée de dentelles ; elle plaît ou elle déplaît, et tant pis pour<br />

ceux <strong>au</strong>xquels elle ne plaît pas. Car ils sont incurables. Ce sont <strong>des</strong> impurs, et<br />

ils ont be<strong>au</strong> faire : si on se sert d’une éponge sale, inutile d’effacer.

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