La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 61<br />
<strong>Les</strong> faits, pourquoi pas ? — L’apologétique ne doit pas rester dans le<br />
silence ; elle ne doit pas non plus user de contrainte, mais de persuasion, de<br />
charité, de douceur : car il n’y a de rel igion véritable que celle qui est<br />
volontaire, et nulle puissance humaine ne peut forcer le retranchement<br />
impénétrable de la liberté. Son devoir est donc d’écouter les arguments de ses<br />
adversaires et de leur répondre dans leur propre plan. Cette attitude est prise<br />
par un <strong>au</strong>tre <strong>au</strong>teur, l’abbé Houtteville, dont <strong>La</strong> religion chrétienne prouvée<br />
par les faits, publiée en 1722, se réédita maintes fois jusqu’à la fin du <strong>siècle</strong>. Il<br />
prit soin d’établir, en bonne méthode, les p.86 caractères qui assurent la<br />
certitude <strong>des</strong> faits ; après quoi il montra que les miracles rapportés par<br />
l’Écriture sainte, annoncés par <strong>des</strong> témoins oculaires ou contemporains,<br />
sincères et vrais, portant sur <strong>des</strong> faits publiés, en liaison avec <strong>des</strong> faits postérieurs,<br />
reconnus même par ceux qui avaient intérêt à les nier, avaient le<br />
caractère de faits incontestables, devant lesquels il fallait s’incliner.<br />
Contradictoires ou non avec les lois de la nature, on devait les admettre.<br />
Contradiction qui d’ailleurs n’était telle que pour nos faibles esprits, et qui<br />
disparaissait pour une intelligence divine, capable de voir le lien de toutes<br />
choses, et de fondre en unité ce qui est pour nous divergence.<br />
<strong>Les</strong> faits ; la raison ; et une <strong>au</strong>tre puissance <strong>au</strong>ssi, qui naît de la raison qui<br />
observe les faits, puis qui la dépasse et devient exaltation, devient sentiment.<br />
On découvrit alors les merveilles de la nature. Ces forces enchaînées qui<br />
obéissent à l’ordre, cette harmonie qui règle l’infiniment grand et l’infini ment<br />
petit, cette be<strong>au</strong>té éparse dans les êtres et dans les choses, ne demandent-elles<br />
pas que notre reconnaissance s’élève jusqu’à leur <strong>au</strong>teur ? <strong>La</strong> simple<br />
observation <strong>des</strong> phénomènes ne suffirait pas à rendre justice <strong>au</strong> Créateur :<br />
qu’un hymne s’élève vers Dieu ! C’est trop peu que de constater seulement s a<br />
présence : il convient de laisser parler, d’accord avec l’intelligence, un coeur<br />
qui s’émeut. L’Angleterre, avec Derham ; et <strong>au</strong>ssitôt après la Hollande, avec<br />
Nieuwentydt, commencèrent ces actions de grâces, ces effusions, ces élans<br />
lyriques ; le signal a été si vite aperçu par <strong>des</strong> esprits qui le demandaient, qu’il<br />
s’est communiqué de proche en proche, et que bientôt il n’y eut plus de pays<br />
en Europe qui ne répétât, dans sa langue, que les cieux racontent la gloire du<br />
Seigneur. <strong>Les</strong> titres furent divers et le sentiment unanime. Il ne nous<br />
appartient pas d’en faire ici l’histoire, puisque nous nous bornons à l’ordre de<br />
la raison. Mais c’est de constatations rationnelles que ce sentiment s’est<br />
dégagé ; et l’apologétique en a tiré parti. De la bonté, de la be<strong>au</strong> té, elle a pris<br />
argument pour la vérité. Dès 1741, dans son Traité sur le Be<strong>au</strong>, le P. André<br />
exprime l’idée qui végétera chez <strong>des</strong> <strong>au</strong>teurs obscurs, et qui mûrira sous<br />
l’action <strong>des</strong> événements et <strong>des</strong> hommes, jusqu’<strong>au</strong> Génie du Christianisme :<br />
« Nous avons parlé de Dieu comme il convient à un philosophe chrétien ;<br />
nous avons démontré son existence, expliqué sa nature, décrit son action,<br />
montrant p.87 partout l’accord très étroit de la religion et de la foi relative ment<br />
<strong>au</strong> Dieu souverain. Tantôt contemplant d’une façon plus profonde Dieu en<br />
lui-même, nous avons vu qu’il n’y a rien de plus grand, rien de plus