La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 97<br />
être électrisées. <strong>Les</strong> bourgeois suivent le mouvement ; et les jeunes gens,<br />
<strong>au</strong>xquels l’abbé Pluche montre le Spectacle de la nature, ou les particularités<br />
qui sont les plus propres à les rendre curieux et à leur former l’esprit.<br />
Si, frappé par ces premières apparences, on cherche leur soutien, on<br />
constate vite la gravité de l’effort que la mode n’a fait qu’exploiter. <strong>Les</strong><br />
journ<strong>au</strong>x donnent <strong>au</strong> compte rendu <strong>des</strong> publications scientifiques une place si<br />
considérable qu’elle est envahissante ; livres de physique, de botanique, de<br />
médecine, deviennent toujours plus nombreux ; mais par le progrès p.136 même<br />
de la discipline à laquelle ils appartiennent, vite ils vieillissent et demandent à<br />
être remplacés : ils le sont. A ces livres multipliés, <strong>au</strong>x communications qui<br />
annoncent telle ou telle nouve<strong>au</strong>té, les Académies s’ouvrent toutes gran<strong>des</strong> ;<br />
l’Académie de Berlin, vivifiée par Frédéric II en 1744 ; l’Aca démie de<br />
Saint-Pétersbourg, fondée en 1725 ; l’Académie de Stockholm, fondée en<br />
1739 ; la Société Royale de Copenhague, fondée en 1745 ; cependant que<br />
l’Institut de Bologne, l’Académie <strong>des</strong> Sciences de Paris, la Royal Society de<br />
Londres, ces douairières, soutiennent leur tradition, chaque compagnie tenant<br />
à honneur d’associer les étrangers à ses trav<strong>au</strong>x. C’est une marque d’esti me, et<br />
vivement souhaitée, que d’être discuté devant leur tribunal ; en 1746, Voltaire<br />
ayant écrit une Dissertation sur les changements arrivés dans notre globe et<br />
sur les pétrifications qu’on prétend en être encore les témoignages, l’adresse<br />
en italien à l’Institut de Bologne, en anglais à la Société Royale de Londres ;<br />
encore se proposait-il de la mettre en latin, pour l’envoyer à l’Académie de<br />
Saint-Pétersbourg. En 1735, cette dernière avait offert <strong>des</strong> ouvrages à<br />
l’Académie de Lis bonne, dont le président était alors le vieux comte<br />
d’Ericeira, le même qui, jadis, avait traduit Boile<strong>au</strong>. Le comte prononce un<br />
discours de remerciement, encore tout plein de phrases redondantes et<br />
fleuries ; il parle de la reine de Saba, de la Sibylle de l’Orient qui, <strong>des</strong> gla ces<br />
du Septentrion, a expédié, écrits sur <strong>des</strong> feuilles d’or, les ouvrages de ses<br />
académiciens, mais il parle <strong>au</strong>ssi de Bacon, du subtilissime René Descartes,<br />
qui a su allier l’algèbre à la géométrie ; de Newton, le plus grand Philosophe<br />
de l’Angleterre, qui a démontré ce qui est démontrable en philosophie<br />
naturelle, et dont les principes sont très justement suivis. A la fois les vieilles<br />
figures de rhétorique et l’expression du goût nouve<strong>au</strong>.<br />
Le mouvement est double : une expansion, une volonté qui pousse les<br />
chercheurs à sortir de leur province, de leur roy<strong>au</strong>me, de leur continent, pour<br />
conquérir peu à peu tout le créé : Catalogus plantarum quibus consitus est<br />
Patavii amoenissimus hortus ; Flora Noribergensis, Botanicon parisiense ;<br />
Hortus uplandicus, Flora lapponica, Historia naturalis curiosa regni<br />
Poloniae, The Natural History of England ; Flora cochinchinensis... Comme<br />
on pressent encore l’existence de quelques terres inconnues, les vaisse<strong>au</strong>x qui<br />
partent à la découverte prennent p.137 à bord <strong>des</strong> naturalistes, qui rapporteront<br />
en Europe <strong>des</strong> exemplaires d’une flore et d’une f<strong>au</strong>ne qui jusqu’alors s’étaient<br />
cachées <strong>au</strong>x hommes. A mesure que l’enquête s’étend, le nombre <strong>des</strong> espèces<br />
végétales et animales s’accroît démesu rément, on n’arrive plus à les compter,