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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 162<br />

grands poèmes sur de petits sujets, <strong>au</strong>x faiseurs de sonnets ; pour ce qu’ils<br />

avaient à dire, quatorze vers étaient encore de trop. Le naturel, le spontané,<br />

voilà ce qu’il voulait, dans la <strong>pensée</strong> comme dans le style ; le bon sens, voilà<br />

quel était le principe de ses jugements. Assez <strong>des</strong> pédants à la vieille mode,<br />

assez <strong>des</strong> épigones qui dans la tradition ne choisissaient jamais que le<br />

m<strong>au</strong>vais. Ardent, aimant le bruit de la bataille, se souciant peu de recevoir <strong>des</strong><br />

coups pourvu qu’il en donnât, il figurait le Critique sans merci. S’il s’était<br />

contenté de faire nombre parmi les fournisseurs de l’Opéra de Londres, de<br />

donner <strong>des</strong> leçons d’italien à Milady, et même d’écrire ce dictionnaire italien -<br />

anglais qui demeura longtemps en usage, il <strong>au</strong>rait tenu une place mo<strong>des</strong>te<br />

parmi les <strong>au</strong>teurs qui tentaient l’ascensi on du Parnasse, suivant une image qui<br />

fut particulièrement chère à son temps. Mais en brandissant son fouet, il perça<br />

la foule et se fit une place de choix près d’Apollon.<br />

Le peintre Reynolds a fait le portrait de Samuel Johnson, pour la<br />

postérité : « <strong>La</strong> carrure large, le cou enfoncé entre les ép<strong>au</strong>les, la face épaisse,<br />

avec un menton lourd, un front étroit, plissé, <strong>des</strong> lèvres charnues ; le regard<br />

interrogateur et renfrogné ; une expression de sérieux, concentré, un peu<br />

amer 1... » Samuel Johnson se met à son établi, il va étudier Milton, quelle<br />

sera sa méthode ? Il commence par une biographie très attentive que suit un<br />

examen très scrupuleux <strong>des</strong> diverses productions de l’<strong>au</strong>teur. Puis il se<br />

recueille : un plus grand ouvrage demande un plus grand soin ; je vais<br />

examiner maintenant le Paradis perdu : qui, considéré par rapport à son<br />

<strong>des</strong>sein, peut réclamer le premier rang ; et par rapport à l’exécution, le second,<br />

parmi les chefs-d’oeuvre de l’esprit. Par un consente ment général, le poète<br />

épique est celui qui mérite la plus brillante gloire ; en effet, la poésie est l’art<br />

d’unir le plaisir à la p.221 vérité ; et précisément, la poésie épique entreprend<br />

d’ensei gner les vérités les plus importantes, par les moyens les plus plaisants.<br />

Je dois donc, en conscience, proportionner l’impor tance de ma critique à la<br />

h<strong>au</strong>te importance du Paradis perdu. — Le P. Le Bossu a bien raison, qui dit<br />

que la moralité compte d’abord ; la fable doit ensuite l’illustrer. Milton<br />

triomphe ici : chez les <strong>au</strong>tres, la moralité n’est jamais qu’un incident ou<br />

qu’une conséquence ; chez lui, la moralité est un principe animateur, puisque<br />

son <strong>des</strong>sein a été de montrer comment Dieu a agi envers l’homme, comment<br />

le caractère de la religion chrétienne est d’être raisonnable, et comment nous<br />

devons obéir à la divine loi. Son affabulation a engagé l’exis tence du monde,<br />

elle n’a pas concerné seulement la <strong>des</strong>truc tion d’une ville, l’établissement<br />

d’une colonie, l’histoire d’un empire. <strong>Les</strong> personnages <strong>des</strong> épopées les plus<br />

fameuses pâlissent devant les siens. Ses caractères sont admirables : les bons<br />

et les m<strong>au</strong>vais anges, l’homme avant et après la chute. Du vraisemblable et du<br />

merveilleux, il y a peu à dire : chez Milton, le vraisemblable est merveilleux,<br />

et le merveilleux est vraisemblable. De même, il y a peu à dire <strong>des</strong> machines,<br />

1 Louis Cazamian, Histoire de la littérature anglaise, Livre VIII, chapitre I : le Classicisme<br />

doctrinal : Johnson.

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