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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 306<br />

animaient de leur esprit les revues éducatrices : tous se plaignaient de voir<br />

l’Allemagne étouffée sous la vieille orthodoxie. Et <strong>Les</strong>sing a répondu à leur<br />

demande. Prendre la défense <strong>des</strong> prétendus hérésiarques injustement<br />

condamnés ; soutenir la c<strong>au</strong>se <strong>des</strong> frères Moraves contre leurs persécuteurs ;<br />

choisir à chaque occasion le parti du Samaritain contre le Pharisien : c’était sa<br />

joie. Mais parmi tant de combats, un combat est resté particulièrement<br />

célèbre, parce qu’il porta jusqu’<strong>au</strong> paroxysme l’âcreté de sa critique et la<br />

fureur de ses ennemis. Il était à Wolfenbüttel, alors ; il avait accepté, f<strong>au</strong>te de<br />

mieux, la place de conservateur de la bibliothèque du grand-duc de<br />

Brunschwig. Il n’était pas âgé, il avait quarante-deux ans ; pourtant il se<br />

sentait las, et malheureux : cette défaite dans sa lutte contre le <strong>des</strong>tin, cette<br />

condition médiocre, ce havre de grâce ; cette servitude acceptée pour finir...<br />

Ce fut le moment où il lança contre l’orthodox ie luthérienne son éclatante<br />

provocation.<br />

Samuel Reimarus était un sage et paisible professeur, qui enseignait les<br />

langues orientales <strong>au</strong> gymnase de sa ville natale, Hambourg. Content de vivre<br />

<strong>des</strong> jours sans orages, bon mari et bon père de famille, il avait toutes les<br />

apparences d’un p.414 homme dont l’existence est de cristal. Il avait écrit <strong>des</strong><br />

livres estimés en faveur de la religion naturelle et contre l’athéisme, montrant<br />

en particulier que la merveilleuse organisation <strong>des</strong> insectes ne pouvait<br />

s’explique r que par la sagesse de l’Être suprême. Ce juste avait vu<br />

sereinement s’approcher sa fin ; le 19 février 1768, il avait invité quelques<br />

amis de choix à dîner chez lui pour le repas <strong>des</strong> adieux ; trois jours après il<br />

était tombé malade, et le 1 er mars 1768, il était mort.<br />

Or, le plus profond de sa <strong>pensée</strong> était resté caché, il l’avait confié à un<br />

manuscrit sur lequel il avait écrit : Schutzschrift für die Vernanftigen Verehrer<br />

Gottes, Apologie pour les adorateurs raisonnables de Dieu ; et ce manuscrit,<br />

soupçonné plutôt que connu par quelques intimes, <strong>au</strong>rait peut-être été ignoré<br />

pour toujours, si <strong>Les</strong>sing n’avait eu l’occasion d’en prendre connaissance, et<br />

en 1774, en 1777, en 1778, n’en avait révélé <strong>des</strong> passages sans donner le nom<br />

de l’<strong>au</strong>teur : Fragmente eines Ungenannten, Fragments d’un inconnu.<br />

Ce n’est pas un Jean Meslier qui recommence ; Reimarus n’a pas ses<br />

emportements, ses haines, sa rage <strong>des</strong>tructrice ; il ne vide pas une querelle<br />

personnelle entre le Seigneur et lui, il ne se laisse pas brûler par une rancune<br />

qui de proche en proche consume tout. Au contraire, il croit très sincèrement<br />

qu’il va vers Dieu, écartant les épines et les ronces, chassant la foule <strong>des</strong><br />

impies et <strong>des</strong> idolâtres, dénonçant l’origine du vice et du mal, s’imaginant<br />

qu’il <strong>au</strong>ra purifié la terre et le ciel lorsqu’il <strong>au</strong>ra anéanti la croyance à une<br />

religion révélée. Il est étonnamment sûr de lui ; il répète qu’il veut voir clair,<br />

ich will die Sache klar machen, et il en possède une <strong>au</strong>tre, par laquelle il lui<br />

semble qu’on peut pleinement ex primer les règles fondamentales, de la<br />

raison : Ein je<strong>des</strong> Ding ist, was es ist ; ein Ding kann nicht zugleich sein und

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