La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 253<br />
« la loi est la raison du Grand Jupiter », qu’il lui était difficile de se déprendre.<br />
Pour eux, pour lui, l’univers était l’effet d’une c<strong>au</strong>se rationnelle, c<strong>au</strong>se unique,<br />
qui contient en soi l’enchaînement <strong>des</strong> c<strong>au</strong>ses ; pour eux, pour lui, tout était<br />
rapport nécessaire, rapport de conséquence et rapport de justice.<br />
Pour permettre à la liberté humaine de s’évader, quel tour de force il a dû<br />
accomplir ! Quel passage torturé que celui du début, où il s’efforce de justifier<br />
les exceptions qu’il apporte à une règle invariable !<br />
Il s’en f<strong>au</strong>t bien que le monde intelligent soit <strong>au</strong>ssi bien gouverné que le<br />
monde physique. Car quoique celui-là <strong>au</strong>ssi ait <strong>des</strong> lois qui, par leur nature,<br />
sont invariables, il ne les suit pas constamment comme le monde physique suit<br />
les siennes. <strong>La</strong> raison en est que les êtres particuliers intelligents sont bornés<br />
par leur nature, et par conséquent sujets à l’erreur ; et, d’un <strong>au</strong>tre côté, il est<br />
de leur nature qu’ils agissent par eux-mêmes. Ils ne suivent donc pas<br />
constamment leurs lois primitives ; et celles même qu’ils se donnent, ils ne les<br />
suivent pas toujours.<br />
Idée stoïcienne encore que la première, à savoir que l’idéal <strong>des</strong> lois du<br />
monde moral est de se calquer sur la perfection <strong>des</strong> lois du monde physique ;<br />
les êtres particuliers intelligents sont bornés par leur nature, et par conséquent<br />
sujets à l’erreur : p.344 idée qui peut être leibnizienne, si la nature humaine était<br />
parfaite elle rejoindrait la nature divine. Il est de leur nature qu’ils agissent par<br />
eux-mêmes : c’est justement ce qui est en c<strong>au</strong>se. Même assemblage factice<br />
dans le développement qui suit, et qui tend seulement à placer à l’entrée de<br />
l’ Esprit <strong>des</strong> Lois un portique majestueux, mais à grande peine artificiellement<br />
construit.<br />
L’homme, comme être physique, est, ainsi que les <strong>au</strong>tres corps, gouverné<br />
par <strong>des</strong> lois invariables. Comme être intelligent, il viole sans cesse les lois<br />
que Dieu a établies, et change celles qu’il établit lui-même. Il f<strong>au</strong>t qu’il se<br />
conduise ; et cependant il est un être borné ; il est sujet à l’ignorance et à<br />
l’erreur, comme toutes les intelligences finies ; les faibles connaissances qu’il<br />
a, il les perd encore ; comme créature sensible, il devient sujet à mille<br />
passions. Un tel être pouvait, à tous les instants, oublier son créateur ; Dieu<br />
l’a rappelé à lui par les lois de la religion. Un tel être pouvait, à tous les<br />
instants, s’oublier lui-même ; les philosophes l’ont averti par les lois de la<br />
morale. Fait pour vivre dans la société, il y pouvait oublier les <strong>au</strong>tres ; les<br />
législateurs l’ont rendu à ses devoirs par les lois politiques et civiles.<br />
Ce n’est pas tout. Car pour finir, l’homme pouvait amélio rer la raison du<br />
grand Jupiter, et faire <strong>des</strong> lois qui fussent supérieures <strong>au</strong>x lois primitives. De<br />
même qu’<strong>au</strong> temps <strong>des</strong> Stoïciens, la nature humaine avait fait un effort pour<br />
produire d’e lle-même une secte admirable, qui était comme ces plantes que la<br />
terre fait naître dans <strong>des</strong> lieux que le ciel n’a jamais vus : de même, le <strong>siècle</strong><br />
de Montesquieu ne laisserait pas les choses comme il les avait trouvées, et la