La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...
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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 50<br />
charité. Contre la civilisation chrétienne, contre le Moyen Age, époque gothique,<br />
époque de ténèbres ; contre les Croisa<strong>des</strong>, folie.<br />
Ils inventaient <strong>des</strong> caricatures de sermons, <strong>des</strong> histoires grivoises, <strong>des</strong><br />
anecdotes scabreuses, car une pointe de libertinage sensuel se mêlait<br />
volontiers à leur polémique. Tout d’un coup ils prenaient l’attitude de Pères<br />
de l’Église, pour reprocher <strong>au</strong>x chrétiens de ne pas vivre selon leur propre loi ;<br />
et l’instant d’après, ils bafouaient cette loi. Pour finir ils ne laissaient rien <strong>au</strong><br />
christianisme, pas une trace dans l’histoire <strong>au</strong>tre que celle de sa m<strong>au</strong>vaiseté,<br />
pas une valeur qu’on pût seulement discuter, pas l’a pparence même d’une<br />
vertu.<br />
En Allemagne, le même but fut atteint par une évolution plus tardive, s’il<br />
est vrai qu’il fallut attendre les années 1780 pour qu’elle obtînt ses résultats<br />
essentiels ; plus complexe, car elle fut double, l’une mondaine et pour une<br />
bonne part due à l’importation, l’<strong>au</strong>tre profonde et intéressant l’être même de<br />
la conscience luthérienne.<br />
Bien étrange serait l’appel que le prince héritier de Prusse adressa pour la<br />
première fois à Voltaire, dans sa lettre du mois p.71 d’août 1736, lu i demandant<br />
d’être son guide et son maître, s’il s’agissait d’un cas unique. En fait, dans la<br />
fermentation générale, et dans le besoin particulier de renouvellement<br />
qu’éprouvait l’Allemagne, Berlin s’était tourné déjà vers le pays qui<br />
représentait la civilisation dans ce qu’elle avait alors de plus moderne, vers la<br />
France. Et non seulement Berlin, mais à travers tout le pays, les princes et les<br />
nobles qui, de même que leurs pères avaient regardé avec admiration<br />
Versailles, regardaient avec admiration Paris. Rappelons-nous le changement<br />
qui intervient dans la carrière du jeune Wieland : il s’en allait du côté du<br />
sentiment, se donnait à ses délices et à ses effusions, se mettait à l’école <strong>des</strong><br />
Suisses qui lui recommandaient l’amour de la nature et la poésie du coeur. S’il<br />
se transforme, si tournant le dos à ses anciens amis, il s’en va maintenant du<br />
côté <strong>des</strong> lumières, c’est qu’il a fréquenté le châte<strong>au</strong> de Warth<strong>au</strong>sen, dont le<br />
seigneur, le comte Stadion, lui a enseigné le ton à la mode, lui a dit qu’il<br />
importait de penser et d’écrire comme on faisait en France, pour peu qu’on<br />
voulût être <strong>au</strong> goût du jour. Sous cette influence le vrai Wieland s’est trouvé,<br />
le Wieland voltairien.<br />
Quelquefois, en lisant le livre d’un Aufklärer, on a l’impres sion de<br />
n’entendre qu’un écho : ils ont été tenus d’abord à Londres et à Paris, les<br />
propos que l’<strong>au</strong>teur allemand répète. Tel l’ouvrage qu’en 1750 publia Michaël<br />
von Loen, fils d’un riche marchand et homme du monde, et qu’en 1751, se<br />
méfiant <strong>des</strong> traducteurs, il prit le soin de mettre lui-même en français : <strong>La</strong><br />
véritable religion, unique dans son espèce, universelle dans ses principes,<br />
corrompue par les disputes <strong>des</strong> théologiens, divisée par plusieurs sectes,<br />
réunies en Christ. « Qu’on ne soit pas surpris de voir que sans appartenir à<br />
l’Église, j’aborde la question religieuse : le sujet concerne tout chrétien,