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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 238<br />

Tout ne s’opérait pas très vite dans le sens du bien, par la vertu de<br />

quelques <strong>pensée</strong>s, de quelques dissertations et de velléités généreuses ; pour la<br />

moindre amélioration, il fallait du temps ; on s’imaginait qu’on allait changer<br />

facilement sur la terre, et tout à coup on avait l’impression qu’on luttait en<br />

vain contre une immensité de forces obscures. Quelquefois, Grimm s’arrêtait<br />

<strong>au</strong> milieu <strong>des</strong> be<strong>au</strong>x projets qu’il glissait dans ses comptes rendus littéraires ;<br />

alors sa <strong>pensée</strong> prenait un tour mélancolique. Impuissance <strong>des</strong> Brutus, <strong>des</strong><br />

Cassius, <strong>des</strong> Cicéron, <strong>des</strong> Caton : les be<strong>au</strong>x cris qu’ont poussés ces grands<br />

hommes n’ont pas arrêté la décadence romaine. p.323 Nous vantons notre<br />

<strong>siècle</strong>, le croyant plus éclairé que ceux qui aient jamais paru, et nous nous<br />

trompons. Erreur que de croire que l’empire paisible de la philosophie va<br />

succéder <strong>au</strong>x longs orages de la déraison et fixer pour jamais le repos, la<br />

tranquillité et le bonheur du genre humain ; douce erreur, mais erreur, qu’on<br />

est obligé d’avouer. « Quelques avantages que nous attribuions à notre <strong>siècle</strong>,<br />

on voit qu’ils ne sont que pour un petit nombre d’élus, et que le peuple n’y<br />

participe jamais. L’esprit <strong>des</strong> nations se modifie à l’infini, mais le fond reste<br />

toujours le même dans l’homme ; et telle est la misère de sa condition que<br />

plus la vérité et le bonheur semblent essentiels à son existence, plus il est<br />

entraîné dans tous les âges vers l’infortune et vers le mensonge. » Grimm se<br />

demande comment l’histoire n’a pas, depuis l ongtemps, débarrassé ses amis<br />

les philosophes, et lui-même, de la chimère d’une perfection idéale qui restera<br />

toujours inaccessible. Pour se rassurer, il est allé voir son ami Diderot, qu’il<br />

appelle le Socrate moderne ; Diderot lui a parlé éloquemment du pouvoir de la<br />

vertu et de l’empire de la raison, <strong>des</strong> progrès de l’esprit philosophique. Tandis<br />

qu’il parlait, un valet est entré dans la chambre et a crié d’une voix tremblante<br />

et étouffée : Le roi est mort ! — C’était le jour de l’attentat de Damiens.<br />

C’é tait une figure de menuet : révérences <strong>des</strong> princes <strong>au</strong>x philosophes, et<br />

<strong>des</strong> philosophes <strong>au</strong>x princes. Comme si les puissants avaient oublié qu’ils<br />

avaient persécuté, qu’ils persécutaient encore les écrivains qui tentaient de<br />

ruiner leur <strong>au</strong>torité ; comme si les écrivains avaient oublié les déclamations<br />

furibon<strong>des</strong> qu’ils avaient lancées, qu’ils lançaient encore contre les tyrans ; ils<br />

disaient que depuis <strong>des</strong> <strong>siècle</strong>s, les rois n’avaient travaillé à rien d’<strong>au</strong>tre qu’à<br />

forger les chaînes dont les peuples étaient chargés, et ils faisaient courbette<br />

devant les mêmes rois. Le <strong>des</strong>potisme changeait de sens, pourvu qu’on lui<br />

ajoutât seulement un adjectif et qu’on l’appelât le <strong>des</strong>potisme éclairé.<br />

Certes, il s’agit là d’un fait complexe ; et l’on peut trouver, entre ce<br />

<strong>des</strong>potisme éclairé et la philosophie <strong>des</strong> lumières, <strong>des</strong> points d’union qui<br />

expliquent en quelque mesure le malentendu. <strong>Les</strong> <strong>des</strong>potes éclairés luttaient<br />

contre les p.324 privilèges, et de là naissait une commun<strong>au</strong>té d’action. Ils entre -<br />

prenaient une vaste réforme égalitaire, détruisant les vestiges, encore très<br />

apparents, de la féodalité. Partisans du progrès, ils prenaient toutes mesures<br />

économiques qui étaient de nature à favoriser la prospérité de leurs peuples.<br />

<strong>Les</strong> lumières étaient utiles à l’éclat de leur règ ne. Surtout, la centralisation

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