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La pensée européenne au XVIIIe siècle - Les Classiques des ...

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P<strong>au</strong>l Hazard — <strong>La</strong> <strong>pensée</strong> <strong>européenne</strong> <strong>au</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>siècle</strong> 36<br />

CHAPITRE IV<br />

Le Dieu <strong>des</strong> Chrétiens mis en procès<br />

p.51 Seulement, la place était occupée.<br />

Ces <strong>au</strong>dacieux trouvaient devant eux une conception de la vie qui, depuis<br />

dix-huit <strong>siècle</strong>s, s’était confondue avec la civilisation de l’Europe. Le<br />

Christianisme s’offrait <strong>au</strong>x hommes dès leur naissance, les modelait, les<br />

instruisait, sanctionnait chacun <strong>des</strong> grands actes de leur existence, ponctuait<br />

les saisons, les jours et les heures, et transformait en délivrance le moment de<br />

leur mort. Chaque fois qu’ils levaient les yeux, ils voyaient, sur les églises et<br />

sur les temples, la même croix qui s’était dressée <strong>au</strong> Golgotha. <strong>La</strong> religion<br />

faisait partie de leur âme à <strong>des</strong> profondeurs telles, qu’elle se confondait avec<br />

leur être. Elle les réclamait tout entiers et ne souffrait point de partage : qui<br />

n’est pas avec moi est contre moi.<br />

<strong>La</strong> foi chrétienne était là, présente et agissante ; et les arrivants se<br />

heurtaient à sa force invétérée. Elle enseignait que la vie n’était qu’un<br />

passage, qu’une préparation, que l’âpre route qui conduit <strong>au</strong> ciel : tandis qu’ils<br />

confiaient <strong>au</strong> présent toutes leurs chances et toutes leurs joies. Elle disait que<br />

la raison nous conduisant jusqu’à un certain point de la connaissance, mais<br />

finissant toujours par rencontrer quelque mystère, la seule ressource était de<br />

mettre notre confiance dans une raison supérieure, qui dès maintenant nous<br />

aidait, et qui quelque jour nous permettrait de transpercer le voile qui<br />

s’interpose entre nos yeux de chair et la Vérité : tandis qu’ils mettaient leur<br />

confiance dans une raison toute humaine. Elle disait qu’une malédiction étant<br />

attachée à notre race, de sorte qu’une perversion demeure chez les plus noble s<br />

d’entre nous, et qu’à nos aspirations sublimes se mêle un affreux goût de<br />

péché, la p.52 seule ressource était d’admettre une f<strong>au</strong>te originelle, rançon de<br />

notre liberté, f<strong>au</strong>te dont nous serions lavés si nous nous montrions dignes de<br />

répondre à l’appel du divin : tandis que cette malédiction et cette tare<br />

première, ils ne la voyaient pas. Elle invoquait l’<strong>au</strong>torité, la tradition : dans<br />

l’une ils ne trou vaient qu’un abus, et dans l’<strong>au</strong>tre une erreur.<br />

Dès lors, un conflit s’engageait, tel qu’on n’en avait jama is vu. Il ne<br />

s’agissait plus de menaces obscures, de revendica tions partielles, d’hérésies<br />

ou de schismes, branches que l’on pouvait sacrifier afin de conserver l’arbre :<br />

c’est <strong>au</strong>x racines que les ennemis s’en prenaient. Il ne s’agissait plus de<br />

révoltes isolées, de rébellions bornées à un individu, à une secte ; de disputes<br />

entre théologiens ; l’appétit d’une domination totale s’était éveillé et voulait<br />

se satisfaire. Le heurt se produisait devant la foule et pour la foule, <strong>au</strong> grand<br />

jour : le combat, <strong>des</strong> deux côtés acharné, donne <strong>au</strong> <strong>siècle</strong> son caractère<br />

poignant.

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